Le : 21/12/2009 11:01
NOEL A LA PLACE LELIEVRE
Souvenez-vous mes amis de ces moments impérissables d'enfance...
Les galoches étaient soigneusement alignées devant un somptueux sapin tout illuminé. Mille guirlandes brillaient de branche en branche avec une bougie en équilibre à l'extrémité chargée de neige. L'âtre de la cheminée rougeoyait de braises incandescentes et entretenait une chaleureuse fraternité. Les bûches crépitaient sous le regard ébloui des enfants. Des monticules de cadeaux multicolores cachaient leur surprises dans l'attache d'un ruban rose bonbon. La neige tombait en abondance et couvrait les toitures en pointe des maisons. Un chariot tiré par quatre rennes souriants faisait sa tournée et nous donnait l'espoir que le Père Noël ne nous oublierait pas. C'était ça, notre noël à Bab el Oued, tous les mois de décembre, lorsque notre maîtresse, Madame Winckler sortait du porte-carte rangé au fond de la classe, la gravure qui allait servir à notre leçon de vocabulaire. Devant notre surprise d'un tel décor enneigé, elle nous précisait que cela se déroulait ainsi dans le nord et dans les montagnes. Nous avions du mal à comprendre car nous aussi on habitait dans le nord mais de l'Afrique, et nos montagnes s'appelaient Sidi Bennour, Bouzaréah ou Notre Dame d'Afrique. Chez nous, nos galoches c'étaient des "Tchanglès" et Noël se passait au balcon. Parfois la neige recouvrait les rues pour quelques heures, Bab el Oued grelotait par surprise, et les maudites engelures contractées dans la cour de l'école nous faisaient souffrir au retour dans les classes, les mains coincées entre les cuisses gelées.
C'était il y a 60 ans, et je glisse toujours mes doigts entre les cuisses lorsque j'ai froid, comme je le faisais à l'école de la place Lelièvre quand j'avais 10 ans.