Jean-Jean MORENO
mardi 19 mars 2013 - Bibliothèque des trois horloges
Le : 15/11/2012 17:04
Merci les amis pour ces magnifiques textes qui racontent très bien une part de ce quotidien que l’on a pu partager ensemble dans ce merveilleux quartier qu’était Bab el Oued. Puisque vous parlez de ces oiseaux de chez nous, c’est vrai qu’on en avait tous un voir plusieurs en cage à la maison. Il me vient à l’esprit une phrase que ma mère et ma grand-mère disaient souvent c’est : « té conosco pardale ! », ça voulait tout dire !
Je vous joins un texte que j’avais écrit voila 1 ou 2 ans qui décrit l’appartement, la volière devrais-je dire, de ma tante Vicente au Climat de France.
Le château de ma tante Vincente
Pour me rendre au « château » de tata Vincente qui habitait le quartier du Climat de France, j’avais deux possibilités : Soit je remontais l’avenue de la Bouzaréah en partant de la Butte au pied de la Bassetta et passant devant le bain maure et la boulangerie LOPEZ, (Aïe ! Aïe ! Aïe ! Le bon pain blanc espagnol qu’il nous faisait çuilà, que j’ai encore le goût à la bouche !) . Ou bien je prenais la descente de la petite rue Bombonel sur la gauche et, à droite, je remontais la rue Léon Roches en passant devant notre « stade national » le petit jardin derrière cette mémorable et belle église moderne St Louis dans laquelle notre mère nous déposait pour le catéchisme en vue de faire notre communion et notre père nous en sortait à grand coup de jurons de mécréant, c’était un anticlérical né ! En continuant cette rue, l’odeur forte de tabac nous annonçait la fabrique de cigarettes MELIA. Je laissais les immeubles du groupe « Taine » sur la gauche pour rejoindre l’extrémité de l’avenue de la Bouzaréah jusqu’au Triolet qui devait être un dancing, je crois, mais nous ôtre on était trop petit pour y aller, alors on ne faisait que passer devant.
J’empruntais à gauche la rue Jules Cambon, celle qui dominait un terrain vague en contrebas et les immeubles de la rue Taine, et là, à droite, juste après la maison de la presse je grimpais les escaliers qui rejoignaient le bout de la rue du Gal Verneau. ENTTENTION mesdames! Il ne fallait pas monter ces escaliers avec des talons aiguilles! Je me souviens l’état désastreux de ces marches qui étaient toujours encombrées de gamins. Le premier chemin sur la gauche, la rue Aube je crois, nous menait directement au petit immeuble de tata Vincente qui était à deux niveaux : trois locataires au rez-de-chaussée, ils avaient chacun un petit jardinet sur le devant de leur logement avec, je m'en souviens en période estivale, les effluves de mandariniers et citronniers plantés là depuis quelques décennies sûrement. Trois autres logements à l’étage qu’un escalier extérieur donnait accès à un balcon commun aux trois logements longeant la façade. Ma famille habitait l’appartement du bout. Je devrais dire la pièce du bout car son logement se réduisait à une pièce carrée dans laquelle vivaient quatre personnes : Tonton, tata, cousins José et Pierre-Jean. Ah oui ! J’avais oublié les perruches en liberté qui faisaient partie intégrante de leur vie ! Mais je vous en parlerai plus tard !
Le fond de cette pièce était réservé au couchage ; à gauche celui des parents, à droite celui de mes deux cousins. Ces deux lits étaient séparés par un grand rideau qu’on tirait le soir et repoussait au matin. En entrant à gauche, tonton avait aménagé une sorte de cuisine avec une gazinière et, à son côté, une bassine en fer blanc pour faire la vaisselle et la toilette corporelle journalière car, bien entendu, il n’y avait pas de salle de bain et les toilettes ainsi qu’une fontaine se trouvaient à l’étage en dessous, au fond des jardins. Une table occupait le centre de la pièce et, sur la droite, un bahut était chargé de vaisselle et autres ustensiles de cuisine.
Mon tonton était installateur de rideaux métalliques qui protégeaient les devantures de magasins et de ce fait, le balcon était encombré de caisses contenant des chaînes acier de toutes sortes, un vrai capharnaüm qui fallait enjamber pour entrer dans l’appartement. Mais, le clou de la visite était sans conteste le lustre central, sorte de parabole circulaire de verre opalisé abritant une nuée de perruches en liberté. Dans un concert permanent, elles faisaient l’allée et retour entre ce lustre et l’extérieur de la pièce. Pas besoin de vous décrire l’état de propreté de cet éclairage qui n’éclairait plus grand chose le soir au dîner. De plus, une perruche ça fait du bruit ! Des vrais « catoras » ces oiseaux ! Mais dés que le noir était dans la pièce, on ne les entendait plus.
Mon tonton a toujours aimé être entouré d’oiseaux, du simple piaf au bel emplumé, à tel point qu’il allait je ne sais où en piéger avec de la glu pour les mettre dans des cages suspendues un peu partout sur le balcon et dans l’appartement. Qu’en faisait-il ensuite ? Je n’en savais rien !
De cette époque, m’est encore en mémoire un jour d’Aïd el Kebir que j’étais chez ma tata, on égorgeait un mouton sur la première terrasse du rez-de-chaussée. Les enfants, un peu à l’écart, observaient l’homme au couteau sacrifiait d’un geste rituel, le mouton aux pattes ficelées. Moi je n’étais pas très hardi! Je ne participais pas au sacrifice !
En 1957, avec le souhait de vivre une autre vie, ma famille a quitté le quartier du Climat de France pour s’installer au « Ruisseau », prés du stade, un bel HLM tout neuf avec tout le confort possible. Eh oui ! Mon tonton, ayant pris la nationalité française, a pu se faire embaucher comme manutentionnaire à Air France Maison Blanche et ainsi, adieu les perruches et autres oiseaux, il n’était plus question de piafs ni de caisses de chaînes également dans l’appartement du quartier du « Ruisseau ».
Jean-jean Moréno
Bonne année 1434 de l’Hégire à nos ami(e)s musulman(e)s