Jocelyne MAS
dimanche 16 septembre 2012 - Bibliothèque des trois horloges
Le : 17/02/2012 10:51
L’arc-en-ciel
C’est la fin de l’été. Sur la plage Martin à Bains-Romains, nous sommes réunis comme tous les après-midi, depuis le début des vacances. C’est notre plage, notre lieu de rendez-vous.
Il y a Christian, Serge, Jean-Pierre, Francis, Lydie, Jean-Marc, Mourad, Jean-Yves, Jean-Charles, Martial, Pierre, Baby, Rhania, Hassiba, Andrée, Vianney, Mireille, Maryse, Colette.
Nous sommes silencieux, moroses, tristes, l’enthousiasme des vacances a disparu.
Bientôt, il nous faudra quitter nos bancs de sable et regagner nos bancs de classe.
Au loin, il tonne, il fait lourd, le temps est à l’orage. Le chant des cigales est assourdissant. Chacun est plongé dans sa rêverie qui n’est pas loin de devenir mélancolie. On se promet de s’écrire, de se revoir, de ne pas s’oublier jusqu’à l’été prochain.
Des éclairs zèbrent le ciel à l’horizon. Les grondements du tonnerre se rapprochent. Il va pleuvoir mais aucun d’entre nous n’a envie de rentrer. Les amoureux de l’été se tiennent la main et jurent de s’aimer toujours. La mer prend une teinte violette, les vagues se brisent avec fracas sur les rochers ; de temps en temps, une très grosse vague, comme un rouleau en colère, soulève une écume blanche qui vient lécher nos pieds. Les gravillons crissent et roulent emportés par la houle.
Le ciel devient de plus en plus sombre, le vent se lève. De grosses gouttes de pluie tombent et s’écrasent sur nos peaux nues. La pluie est fraîche et douce. Assis en cercle, entortillés dans nos serviettes de bain, on attend, on ne sait quoi !
Soudain, un cri « Regardez ! un arc-en-ciel ! » Tous les regards se lèvent : à l’horizon, là où la mer semble se fondre avec le ciel, surgit un arc lumineux, magnifique, resplendissant de couleurs. « Vite ! faîtes un vœu ! » Le petit village de Bains-Romains semble éclairé de toutes ces couleurs ; quelle merveille ! les maisons paraissent roses, le ciel a une teinte indéfinissable, bleu-violet. C’est une féerie de couleurs, la lumière solaire se disperse et se reflète dans les gouttelettes d’eau en suspension.
Notre moral est remonté en flèche. C’est un signe du ciel : on se retrouvera tous.
Hélas, l’été suivant ne ressemblera, en rien, à nos étés insouciants et joyeux.
C’est l’exil.
Nous voilà tous partis sur les routes, dans toutes les directions, emmenant avec nous, notre colère, notre chagrin, notre désespoir, pleurant la perte de notre merveilleux pays.
Oui c’était un signe du ciel, on se retrouvera tous ou presque quelque cinquante ans plus tard !!!
Jocelyne MAS