Christian TIMONER
mardi 13 mars 2012 - Bibliothèque des trois horloges
NOËL 1961
Nous sommes jeudi, aujourd’hui pas de classe comme tous les jeudis, c’est notre jour de repos.
Nous sommes quatre enfants et pour notre mère la journée s’annonce un peu bruyante, pour être tranquille elle nous promet que si nous restons sages toute la journée, ce soir avec notre père à son retour du travail, ils nous amèneront voir les illuminations dans les rues et surtout voir les magasins de jouets. Jusqu'à l’arrivée de notre père nous restons donc sages comme une image (ou presque), pari gagné pour notre mère.
Pour la promenade ma mère nous a sorti les habits du dimanche. Tous beaux, parfumés à l’eau de Cologne, mon frère et moi les cheveux avec la brillantine (la gomina), les chaussures pointues à l’italienne (grande mode) elle nous a même mis le manteau car il fait un peu frais dehors (22°). Nous voilà partis tout excité dans les rues de Bab El Oued, la nuit commence à tomber et le quartier s’illumine ainsi que les magasins, beaucoup de personnes dans les rues, certains reviennent du travail d’autres font leur course, les grands font le va et vient en attendant de trouver l’âme sœur et les autres comme nous, promènent. Certains regardent dans certaines vitrines la télévision, une nouvelle venue dans le quartier. Il nous tarde d’arriver aux Galeries de France car je pense que c’est le plus beau magasin d’Alger, nous ne sommes pas trop loin car j’entends l’Armée du Salut qui comme chaque année à noël est là, à chanter des cantiques et fait teinté la cloche pour attirer les gens, certain leur donne une pièce pour leurs œuvres. Nous voilà devant le magasin, impossible d’approcher la vitrine, tous les enfants le nez contre la vitre, d’autres sont sur les épaules de leur père pour voir mieux, tous ont le sourire, les yeux pétillent, comment pouvoir atteindre la vitrine ? Juste devant moi un papa tire son fils qui ne voulait plus partir, et j’en profite pour avancer, avancer, jusqu’à un moment, un grand bruit je viens de me cogner sur la vitre (une belle bosse) que je n’avais même pas vue, mon front, mon nez écrasent la vitre, mes yeux eux ne savent plus où regarder la vitrine est pleine de jouets, du poupon avec la poussette, les poupées, les ménagères, patin à roulettes etc.., elles sont gâtées les filles. Pour les garçons, les voitures avec garage, voitures à pédales, trottinette, fusil avec tir aux pigeons, et le magnifique train avec sa locomotive accrochée avec ses wagons et il tourne en discontinu et passe même dans un tunnel, ce n’est plus des yeux que j’ai mais une girouette. Cela doit faire un bon quart d’heure que je regarde, tout est magnifique pas facile de faire un choix vu le nombre de jouets, et soudain je sens une main sur mon épaule, je me retourne et mon père me dit, il faut rentrer il se fait tard, je lui dis encore un peu, d’accord une minute, et l’on s’en va. Nous voilà repartis quand soudain face à moi le père Noël avec le photographe, et là bien sûr nous avons immortalisé le Noël 1961, je dis bien le Noël 1961.
Le père Noël avait pris nos commandes pour le 25 Décembre 1961 est avait fait ce jour là, la distribution pour le bonheur de tous les enfants, mais comme beaucoup pour ne pas dire la majorité nous étions loin de penser que ce serait notre dernier Noël à Bab El Oued et en Algérie.
Aujourd’hui nous sommes en 2011, cinquante ans plus tard, et le 25 décembre de cette année le père Noël sera au rendez-vous, même pour ceux qui se trouvent aux quatre coins du monde. Pour moi ce sera la première fois où mon père ne sera pas avec nous mais peut-être dans un monde meilleur.
JOYEUX NÖEL A TOUS, CHRISTIAN