Le : 15/11/2011 18:56

NOËL A BAB EL OUED

En ces temps là, on se prenait très tôt pour préparer Noël. C’est la conclusion qui s’impose si l’on remémore les nombreuses activités qu’on engageait pour la circonstance et les délais que cela supposait.

A l’école, l’apprentissage des chansons dédiées à Noël demandaient certainement plusieurs semaines. Qu’il s’agisse des airs de Petit papa Noël ou de mon beau sapin, il fallait se livrer à de longues répétitions pour que nos petites têtes, non encore exercées, retiennent les paroles et les airs, sans soutien écrit. Les maitresses et les maîtres s’employaient à nous conditionner pour la fête, au moyen d’histoires et les contes admirablement racontés. A l’extérieur, les points d’attraction, pour les enfants que nous étions, furent principalement les magasins de la célèbre avenue de la bouzaréah. Les devantures des magasins étaient alors décorées avec soin. Les vitrines pourvues d’un train électrique nous enchantaient particulièrement. Visage collé contre la vitre, il était difficile de nous en arracher.

Autre point d’attraction, qui intéressait surtout les adultes: la place de l’Alma. C’est là que les marchands de sapins présentent leurs produits. Des sapins naturels, encore odorants, provenant probablement de la proche forêt de Bainem. Il y en avait de toutes les tailles. Sans doute pour ajuster l’offre à toutes les bourses et à la modeste taille de nos logements (souvent exigus). Les sapins en matière synthétique n’existaient probablement pas à cette époque. Les transactions se négociaient en francs (F) ou en nouveaux francs (NF). Nous étions en période de changement de l’unité de monnaie, et il n’était pas facile de s’en accommoder. Ma mémoire n’a conservé aucun repère sur le prix de cet arbuste magique. L’emplacement de ce type de commerce était idéal. En effet, la Place de l’Alma faisait la jonction entre trois hauts lieux de Bab El Oued : le marché, les trois horloges et le boulevard de Provence.

L’évocation de Noël à Bab El oued s’accompagne nécessairement de celle du Monoprix et de ses étals de jouets. C’est là que mon oncle m’a acheté mon premier Mécano, un cadeau de Noël. Ce magasin paraissait très lointain, à nous, les enfants de la Bassetta.

A Bab El Oued la fête de Noël était célébrée par tous les résidents. Certes, les musulmans n’y incluaient pas la charge religieuse de l’évènement. Les Juifs non plus, sans doute. Mais tout le monde prenait part à la fête. Le bon sens présidait à nos conduites. A-t-on besoin de convoquer la foi pour s’associer à un évènement festif, et faire partager le bonheur à tous les enfants du quartier?

Dans mon immeuble, au 3 bis rue François Serrano, le sapin était présent dans toutes demeures. La fête pour tous, et…à chacun ses croyances.

Cherif (Québec, Canada)