Pierre-Emile BISBAL
jeudi 10 février 2011 - Bibliothèque des trois horloges
Je dois toujours cinq centimes à mon instituteur du cours élémentaire 2eme année, Monsieur Fredj. Ecole Lelièvre. Cette dette correspond à une boite de plume Sergent-Major. J'étais tombé "en panne" de cet indispensable instrument de travail. Dans ma trousse, la boite de plume était vide et Legendre, mon voisin de table avait refusé de m'en "passer" une. J'avais levé le doigt et avec la peur au ventre j'avais avoué ne plus pouvoir écrire. Monsieur Fredj s'est avancé vers moi. Il a posé sur la table une petite boit cartonnée avec cinq plumes dedans.
-" tu demanderas cinq centimes à tes parents pour les plumes et surtout, à l'avenir tu viendras en classe avec ton materiel !"
-" Oui, M'sieur", j'ai dit..
L'instituteur ne partait pas. J'attendais la suite.
-" A la récréation, tu "feras" l'encre. Tous les encriers devront être remplis. je veux du travail propre." Ouf, j'échappe au cinquante lignes " je dois venir en classe avec toutes mes affaires" C'est la récré, Monsieur Fredj m'a donné une dose de poudre violette à dissoudre dans une bouteille d'un litre. La bouteille a un petit verseur comme les bouteille d'apéritif. Je suis allé la remplir au grand évier blanc qui se trouve dans la cour. J'ai bien agité le mélange. Je suis retourné dans la classe. Un à un j'ai rempli tous les encriers. Monsieur Fredj est resté dans la classe pour corriger des cahiers et de temps à autre je sens son regard sur moi. Je m'applique et je mesure tous mes gestes. Le maître m'a fourni aussi un petit chiffon en cas de débordement mais je n'ai pa eu à m'en servir. C'est fini et sans catastophe. J'ai rangé la bouteille dans l'armoire, tout en bas avec les boites de craies. C'est juste la fin de la récré. Monsieur Fredj sort pour faire mettre tout le monde en rang. Je le suis. Il quitte la classe avant moi. J'en profite pour cracher sur le banc de Legendre. Je n'ai jamais réglé ma dette, car le lendemain une bombe explosait dans l'école et mes parents m'envoyait en Métropole. Si quelqu'un croise Monsieur Fredj (ou un de ses descendants!), qu'il lui dise bien que je veux régler ma dette.