Né à Bab El Oued - 1948 - ALGER

 

Bibliothèque des trois horloges

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André TRIVES

Le : 02/05/2013 10:18

A MES FRERES SLIMANE ET OMAR DOUDOU, MES VOISINS CHARBONNIERS DE LA RUE DES MOULINS.

De retour de Bab el Oued, Nacéra vient de m'apprendre la mort d'Omar et de Slimane survenue en 2008 et 2010. C'est triste et déstabilisant d'apprendre cette nouvelle. Ils avaient partagé la vie de mes parents et de ma famille durant 30 ans. Le destin a interrompu notre relation d'amitié tissée au cours de ces belles années de voisinage. En 1962, nous sommes partis comme des voleurs, eux se sont résolus à vivre une nouvelle vie. Slimane était venu me rencontrer à Marseille en 1985 ; inutile de dire les larmes de joie versées de nous revoir. Nous avions évoqué les souvenirs partagés entre nos deux familles entre 1933 et 1962. L'émotion était à son comble... Sur les nuages qui s'effilochent aujourd'hui au-dessus de Bab el Oued, je suis certain que Slimane, Omar, mes parents, tous les commerçants de la rue des Moulins et leur clientèle doivent être heureux de s'être retrouvés pour l'éternité.

Tony BILLOTTA

Le : 29/04/2013 11:22

Les souvenirs sont des trésors

Les souvenirs sont des trésors Qu'on garde en soi jusqu'à sa mort. Ils nous éclairent dans la nuit Meublent nos esprits quand on est seul Refont revivre nos aïeuls Et donnent un sens à notre vie.

C'est grâce à eux qu'on revivra Les meilleurs moments d'autrefois Et qu'on revoit de vieux amis Comme s'ils n'étaient jamais partis.

Certains souvenirs peuvent blesser Et donner envie de les oublier Mais ils permettent aussi d'éviter Les pièges déjà rencontrés.

Que ferions-nous sans souvenirs ? Sans mémoire pour nous définir ? Pourtant de plus en plus de gens subisse ce calvaire De ce mal qu'on nomme Alzheimer.

Juste un instant, essayez d'imaginer Que vous oubliez ceux que vous aimez, Que tous vos gestes quotidiens Pour vous ne signifient plus rien ?

Difficile à imaginer, n'est-ce pas ? C'est pourtant la réalité. Et le cruel destin Que doivent endurer certains.

Ils ne sont pas seuls à souffrir De voir sombrer leurs souvenirs, Leurs proches aussi sont affligés Mais cachent leurs larmes pour les respecter. Ils gardent leur chagrin en eux, Car chaque mot devient un Adieu, En espérant à chaque fois... qu'au dernier moment. Cette personne qu'ils aimaient tant Se souviendra... et ne gardera que le meilleur, Gravé dans la mémoire de son cœur.

Mustapha OUALIKENE

Le : 09/04/2013 00:53

Histoire de la Télévision en Algérie

Le 24 décembre 1956, la Radiodiffusion-télévision française (R.T.F.) dans les départements français d'Algérie inaugure son premier émetteur de télévision au standard VHF 819 lignes, installé au Cap Matifou, face à Alger dont il est distant de quinze kilomètres. L'émetteur, qui a couté 1 200 000 000 francs, couvre presque toute la ville d'Alger, sa banlieue et une grande partie de la Mitidja. Une astuce technique permet la diffusion simultanée du son en deux langues (français et arabe) pour certaines de ses émissions. La R.T.F. Télévision en Algérie est ainsi la première au monde a être bilingue et à émettre des spectacles français et arabes commentés dans les deux langues. Les speakrines francophones et arabophones se partagent à tour de rôle la présentation des programmes, les unes apparaissant en direct à l'écran pendant que les autres font la traduction en voix off, et inversement le lendemain. Les émissions sont entièrement réalisées sur place, aucun relais n'étant possible avec la Métropole. Trente et une heures de programmes sont diffusés chaque semaine en 1957, composés de films, de théâtre, de musique et d'œuvres lyriques, de variétés, d'information, de magazines et reportages sportifs et d'émissions enfantines. La télévision métropolitaine fournit 11 heures de programmes sur ces 31 heures hebdomadaires, essentiellement du théâtre, des variétés et des ouvrages lyriques. Le journal télévisé est diffusé à 20 heures et rediffusé à 22h30 et est présenté par Jean Luc, Jean Lanzi, Jean-Claude Narcy et Jean-Pierre Elkabbach. Il est réalisé entièrement sur place à l'aide de bandes envoyées par United Press et France Vidéo auxquelles s'ajoutent deux ou trois reportages tournés localement chaque jour avec des commentaires en français et en arabe pour une diffusion simultanée sur les deux canaux sonores. De nombreux programmes (émissions musicales, folkloriques, enfantines, concerts et théâtre) et courts-métrages sont spécialement créés pour alimenter la grille des émissions arabophones placées sous la direction de Fathallah Benhassine, déjà en charge des émissions en langues arabe et kabyle à la radio R.T.F. France V1. Dès sa naissance, la Télévision d'Algérie souhaite donc s'adresser à toutes les composantes de la population algérienne susceptibles de la recevoir. Un second émetteur de télévision est inauguré par le Directeur Général de la R.T.F., Gabriel Delaunay, pour desservir Alger le 22 février 19582. Oran est la seconde ville équipée d'un émetteur de télévision, installé sur l’immeuble Perret qui dresse ses quinze étages au carrefour de la rue Mostaganem et de la route du Port, et qui rayonne très correctement sur toute l’étendue de l’agglomération dès le 17 décembre 1958. Le réseau s'étend avec la construction d'un émetteur de télévision à la station de ski de Chréa en janvier 1960, puis la mise en service de l'émetteur de Constantine le 26 octobre 19603. La R.T.F. présente sa dernière édition en direct du journal télévisé le 30 juin 1962, veille du référendum d'autodétermination. À la suite de l'indépendance de l'Algérie le 5 juillet 1962, la Radiodiffusion-télévision algérienne (R.T.A.) se substitue à la R.T.F. le 28 octobre 1962 et reprend ses infrastructures et bâtiments. Un accord de coopération technique entre les deux organismes de radiodiffusion est signé le 22 janvier 1963

Jean-Jean MORENO

Le : 03/04/2013 21:21

Les écoles de Bab el oued

Notre quartier Je suis né et j’ai grandi dans un quartier populaire situé au nord d’Alger, au bord de cette baie magnifique qui nait ici, sur les plages de mon quartier et termine son anse au cap Matifou. On dit qu’elle serait une des plus belles baies au monde surtout si on l’admire du haut de la colline de Bouzaréah ou bien de l’esplanade de la basilique de Notre dame d’Afrique par un ciel clair et sans nuages

Notre quartier se nomme BAB EL OUED qui veut dire en arabe : La porte de la rivière. A mon époque, dans les années 50, comme d’ailleurs depuis les premières décennies de la colonisation Française, ce quartier se différenciait de tous les autres quartiers de cette ville d’Alger par la diversité de sa population de migrants: espagnols, italiens, maltais sans oublier les indigènes Juifs, Arabes et Berbères qui occupaient déjà l’endroit depuis des siècles. Tout ce petit monde était venu s’installer ici près de la carrière de pierres qui a servie à la construction des édifices de la ville d’Alger et de sa banlieue, on la nommait la CARRIERE JAUBERT.

Notre langue Avec le temps, notre parler haut en couleur, issu d’un mélange de langues et d’accents de toute cette population bigarrée, avec tout de même le Français comme base de langage, était nommait »Pataouette ». Voila, on parlait le Pataouette ici, chez nous à Bab el Oued! Il n’y avait pas une phrase, pas un juron sans une expression espagnole ou italienne complétée d’un mot arabe. Tout le monde s’y retrouvait : petits, grands, ouvriers ou notables, tous avaient cet accent spécifique au quartier de Bab el oued !

Par conséquent, il a fallu éduquer les enfants de ces migrants, c'est-à-dire les envoyer à l’école communale, celle de la République , pour leurs enseigner le français, le calcul et surtout la géographie et l’histoire non pas celle de l’Algérie mais de…….. la France , celle de Vercingétorix et son peuple gaulois se battant à Alésia, le nom de toutes les rivières et fleuves de France ainsi que les départements et leur chef lieux!

Pour se faire, il fut construit plusieurs écoles dans notre quartier sous l’égide, non seulement de nos élus mais également de nos religieux.

Nos écoles La plus célèbre à ma connaissance, fut l’école Lelièvre du nom de la placette située devant l’école. On la nommait « l’université de Bab el Oued ». Cette grande école/collège était un peu le centre de ce grand quartier. Elle faisait face, je crois, à la première église de bab el oued, l’église Saint Joseph, où beaucoup de nouveaux nés ont été baptisés, ont fait par la suite leur communion et se sont mariés !

Autour de cette église ont été construit d’autres édifices scolaires et sociaux mais principalement religieux, qui accueillaient les touts petits en garderie ou cours préparatoire et les adultes: indigents, nécessiteux, au « fourneau économique », sorte de réfectoire géré par les sœurs St Vincent de Paul qui servaient une assiette complète le midi par une petite trappe à ces gens qui attendaient leur repas. Je peux en parler puisque j’ai bénéficié moi-même de ces repas pendant pas mal de temps dans ma jeunesse. Je n’oublie pas non plus ce dispensaire de la rue de Sidi Benhour qui prenait soin des infortunés du quartier, je me suis fait moi-même, très jeune, opérer des végétations dans ce dispensaire.

Il y avait également pas très loin de là, en remontant vers la bassetta, l’école des filles de la rue de Normandie. Impossible d’en dire plus, elle était, comme son nom l’indiquait, réservée aux filles donc pas question aux garçons d’y rentrer !

Un peu plus bas, l’école Sigwalt accueillait les enfants de la cité des « Messageries », de la rue de Dijon et les futurs écoliers venant de l’école maternelle de la cité de la Consolation car dans cette cité il n’y avait pas d’école primaire, juste une école maternelle.

En se dirigeant vers le square Guillemin, on pouvait remonter la rue Rochambeau en passant devant cette école du même nom réservée aux gamins de cette rue, de l’avenue Malakoff et avenue Durando.

De cette école, on atteignait l’école Franklin en prenant par le sud les escaliers coupants les avenues Durando et de la Bouzaréah. C ’était l’école « de la place des Trois Horloges » puis qu’elle était la plus proche de cette place.

L’école Lazerge, elle, était située prés du square Nelson, enclavée entre l’avenue de la Marne , le square Guillemin et le bord de mer.

A l’opposé de Bab el Oued, en direction de la Bouzaréah , l’école de la rue Léon Roches qui était située au dessus de l’église St Louis et de la fabrique de cigarettes « Melia » accueillait les gosses de la rue Maxime Noiré, du groupe Taine et autres immeubles du coin. Ils s’y donnaient rendez-vous tous les jours sauf les jeudis et dimanches.

A l’entrée de la rue Camille Douls, en haut de la côte de la Bassetta , était également une école où se retrouvaient les gamins de cette rue, de la place du tertre, de la bassetta et boulevard de Champagne.

Le chemin de mon école L’école que j’ai la plus fréquentée se trouve être l’école Céccaldi de la rue Larrey, la plus éloignée de chez moi, au bout de la rue cardinal Verdier. Pourquoi ma mère avait-elle décidé de m’inscrire à cette école si loin de notre domicile? Je n’en sais strictement rien ! Pour m’y rendre le matin, je devais redescendre un bout de l’avenue de la Bouzaréah en passant face à la « goutte de lait » et la cité « des Moulins » c'est-à-dire devant le bijoutier Mr Menella et la maison de la presse de Mr Pégnello où sa belle mère trônait, assise au près de la caisse, devant l’étal de journaux. Quelques fois, lors qu’elle m’apercevait, elle m’interpelait pour me donner 100 sous qui représentaient 5 anciens francs de l’époque pour m’acheter 5 caramels à 20 sous que je prenais chez le « moutchou », le Mozabite d’à côté. Ensuite j’empruntais sur la gauche la rue du cardinal Verdier. Sur la droite je laissais le fameux passage de la Ruche qui menait tout droit au marché, notre cher marché de bab el oued qui grouillait déjà de ces badauds matinaux. Je coupais la rue des Moulins et j’attaquais le petit raidillon en passant devant le local de musique où répétait le soir la troupe philarmonique des « Routiniers de Bab el oued ». Mon père en faisait parti, il jouait de la guitare alto, une guitare spéciale à quatre cordes. J’ai encore en tête ces airs de musique qui ont voyagés jusqu’en France puisque la troupe a participé à plusieurs festivals en métropole pendant les périodes estivales et a obtenu plusieurs prix d’interprétation. Au dessus de ce grand local était cette fameuse « université », l’école Lelièvre que j’ai décrit plus haut. En poursuivant ma route je croisais la rue Jean. Jaurès qui m’a toujours paru être une rue sombre dans sa partie montante à gauche, peut-être n’est-ce qu’une impression. Puis la rue de Normandie, une très grande rue. Elle menait du haut de la place de la Bassetta au boulevard de Champagne. Dans le prolongement, entre la rue du Dauphiné et le boulevard de Champagne, des effluves de parfum de jasmin nous chatouillaient les narines. On approchait de l’usine Zouaï, fabrique de parfums très prisés encore maintenant. J’ai voulu m’en assurer en consultant sur Internet leur site: étonnant! De cet endroit, la rue du cardinal Verdier longe sur la droite l’enceinte de l’hôpital Maillot, ancienne hôpital du Dey qui devait soigner à sa fondation, certaines maladies qui se développaient dans nos régions africaines et qui ont apparemment disparues à ce jour. A partir des années 55/56, cet hôpital a surtout servi à soulager les maux des soldats Français blessés durant les opérations dans les Aurés. Ce mur, toujours sur notre droite, se prolongeait jusqu’à la clinique Barbier Hugo, à l’angle du boulevard de Flandre. Sur la gauche on côtoyait les immeubles qui forment l’ensemble de la cité Picardie, la montée de la rue Réaumur et celle du chemin de Notre Dame d’Afrique et un peu plus loin, la fabrique de téléphones. En entrant dans la rue larrey, la fabrique d’alva, sorte de pâte d’amande que l’on appelait « caca de cheval » libérait ses délicieux aromes de miel entre autres parfums. 100m plus haut, juste après la menuiserie « Llavador », c’était notre école.

Mon école Deux bâtisses en bois de couleur verte, alignées le long de la rue Larrey, abritaient chacune quatre classes: deux au rez-de-chaussée, les deux autres à l’étage. On accédait à la cour de l’école par un portail entre ces deux bâtisses. Rien de trop majestueux dans ces édifices en bois mais surtout une bonne touche d’exotisme. Au fond de cette cour, à gauche, le grand préau équipé de toilettes et lavabos nous abritait pendant les récréations pluvieuses. Il était surmonté d’un appartement également en bois où logeaient la concierge et sa petite famille. L’école était enclavée entre la rue Larrey d’un côté et le cimetière de St Eugène de l’autre.

Notre école était en surplomb de ce cimetière qui descendait en pente douce jusqu’à la mer, ce qui nous permettait d’avoir un des plus beaux panoramas qui m’ait été donné d’admirer : la quiétude de ce cimetière très bien entretenu avec ses massifs de fleurs et ses ifs majestueux traçant les allées et les carrés des tombes. Je le connaissais tout particulièrement puisque ma grand-mère reposait juste derrière ce mur mitoyen à l’école. Au loin, la mer Méditerranée d’un bleu superbe emplissant cette baie d’Alger éclairée d’un soleil si éclatant que cette ville portait bien son surnom d’« Alger la blanche ».

Ce magnifique panorama s’observait surtout lors qu’on occupait les classes du 1er étage, c’était les cours de CM1/CM2 et Fin d’étude primaire, le fameux Certificat d’étude que l’on passait à l’âge de 14 ans quand nous avions été refusé à l’entrée au collège, pas toujours par manque de résultat scolaire de l’avis de nos maitres mais souvent par les besoins matériels familiaux qui nous obligeaient à entrer dans la vie active de suite après cet examen.

Je me souviens tout particulièrement de ma dernière année scolaire, en fin d’étude dans la classe de Mr Melka. Avant de monter en classe, il nous faisait aligner par deux dans la cour et sur son ordre, nous y entrions après avoir monté ces escaliers.

Les plus chanceux d’entre nous, si on peut les appeler ainsi, occupaient non pas le fond de la classe au chaud près du poêle, il n’y en avait pas dans notre école, mais les pupitres près des fenêtres avec vue sur le cimetière et la mer en fond de décor. Malheureusement pour ces élèves il y avait un gros inconvénient, c’était le manque de concentration au tableau et aux explications du maitre. Il est vrai qu’on ne pouvait pas avoir un œil sur la mer et rester concentré sur les cours. Notre maitre y veillait en permanence en se promenant entre les deux allées qui séparaient les trois rangées de pupitres, munie de sa grande règle. Les punitions: les oreilles tirées et les coups de règle sur le crane ou les doigts étaient le lot quotidien de nos misères mais je ne me souviens pas avoir entendu un seul parent se plaindre des ces sanctions-là.

La journée commençait invariablement par le remplissage des encriers. Nous pensions que cette tâche était réservée aux plus fayots de la classe puisque c’était presque toujours les mêmes qui en étaient chargés. Avouons tout de même qu’il fallait avoir un certain « coup de patte » pour ne pas éclabousser d’encre les pupitres et autour des encriers!

La leçon de morale ou le cours d’instruction civique, alternativement, commençait toujours notre journée scolaire. Mr Melka écrivait au tableau la phrase qui dictait la morale du jour, bien souvent tirée d’une fable de La Fontaine , et nous devions la recopier sur nos cahiers d’étude afin de l’apprendre à la maison et la réciter en cœur le surlendemain matin. Le cours d’instruction civique m’intéressait particulièrement. Le maitre nous parlait de sujets divers qui nous donnaient l’impression d’être déjà des adultes puisqu’on abordait indifféremment le comportement de l’individu dans le milieu social : respect d’autrui, assistance aux anciens, etc. et également notre système Républicain : le rôle des mairies, etc. Personnellement ça me plaisait beaucoup !

Le Français ou le calcul s’étudiait principalement le matin pour la simple raison: Nous étions encore à peu près concentrés, attentifs aux explications répétées du maitre qui cherchait coute que coute à nous faire comprendre ce qu’était un sujet, un verbe ou bien un complément d’objet qu’il soit direct ou indirect, à placer tous ces beaux mots dans des phrases qui faisaient l’objet d’une dictée et la désolation de la plus part d’entre nous ! J’ose à peine vous parler des problèmes d’arithmétiques qui ne réjouissaient pratiquement personne à part peut-être notre maitre. On sentait une jubilation en lui quand il énonçait et écrivait le problème à résoudre au tableau. Souvent le sujet se passait entre deux trains qui se croisent ou bien qui se doublent à des vitesses différentes, sans vous parler des cinq minutes d’arrêt dans une gare quelconque en France alors que nous étions en Algérie, allez comprendre quelque chose !

Vers le milieu de la matinée, nous avions une trentaine de minutes de répit en récréation pour nous défouler entre copains et penser à autres choses que ces tortures mentales que notre maitre cherchait à nous infliger. Plusieurs groupes se formaient, souvent les mêmes élèves se retrouvaient ensemble. Certains chahutaient en jouant à la balle en papier, aux billes ou même aux noyaux d’abricots pendant la saison, d’autres s’appliquaient à parler encore de leçons et cours déjà vus ou à venir. Ils n’étaient pas nombreux et je n’en faisais pas parti, c’est sur ! Pendant ce temps, les maitres et maitresses discutaient entre eux. Notre seul souci était de tout mettre en œuvre pour ne pas attirer l’attention de Mme Domergue, une vraie tigresse qui nous punissait pour une simple broutille, elle usait allègrement de sa grande règle qu’elle promenait jusque dans la cour de récréation !

En revanche, avec les copains bien plus espiègles que moi, on l’attendait le matin quand elle arrivait dans sa « quatre chevaux ». Elle se garait invariablement au même endroit, le long du trottoir de l’école et pour descendre de son véhicule, elle ouvrait en grand sa portière qui s’ouvrait à l’envers des portières de voitures de maintenant, ensuite elle balançait une jambe dehors pour s’extirper de son siège. C’est à ce moment que certain d’entre nous avait besoin de se relacer ses chaussures pour « mater » la culotte de l’institutrice Mme Domergue, la gendarmette de l’école Céccaldi ! Tu penses bien qu’elle devait s’en douter mais elle n’en a jamais fait allusion dans l’école, j’en parlais encore récemment avec un ami – un sacré rapide celui-là !-qui s’en souvenait très bien ! C’était un peu notre vengeance à nous !

Dans le fond de la cour de récréation était le préau. Je pense qu’il ressemblait à tous les préaux des écoles de notre époque avec leurs pissotières en ardoise qui nous permettaient de faire les fameux concours du jet le plus long ! Il y avait des spécialistes en la matière et j’avais remarqué que c’était les mêmes gamins délurés qui allaient, grâce à l’espace entre le sol et le bas de la porte des toilettes, taquiner les copains, le short en bas des jambes, occupés à se soulager ! « Ah les petits voyous » aurait dit notre gendarmette de service ! Au dessus du préau habitait la concierge avec sa famille et l’ensemble des constructions de cette école était en bois.

A l’heure du midi, chacun d’entre nous s’en retournaient chez eux pour savourer le déjeuner qu’avait préparé leur maman. Faut dire qu’ils n’habitaient pas très loin. Certains étaient de la cité Picardie ou rue Réaumur, d’autres chemin Notre Dame d’Afrique ou même de la Consolation. Comme je demeurais assez loin de l’école, je me restaurais d’un plat pris au « Fourneau Economique », sorte de cantine située rue de Normandie et dirigeait par les Sœurs St Vincent de Paul, comme je vous le disais au début de ce texte. C’était un endroit lugubre mais calme où l’on prenait notre assiette déposée sur un passe-plat avant d’aller s’installer à table pour déguster nos délicieuses nouilles, patates, haricots blancs ou lentilles car on avait faim. Le repas terminé, on allait passer un petit moment à jouer au ballon de papier sur la place Lelièvre avec les gars de l’école du même nom avant de reprendre le chemin à l’envers, direction l’école de la rue Larrey, pour entamer la deuxième partie de la journée.

Comme dans toutes les écoles d’Algérie, de France ou de Navarre, le temps passait sur les bancs l’après midi ressemblait au matin sauf qu’à ce moment de la journée, le maitre nous parlait plutôt de Géographie - de France bien sur - , avec ces grandes cartes accrochées sur les murs de la classe, d’Histoire de France - mais pas d’Algérie - ou bien de Sciences Naturelles ou de Leçon de chose qu’on disait.

Pour terminer la journée, il était préférable, sous peine de punition, de noter les devoirs à faire le soir à la maison. Le maitre, de sa très belle écriture cursive, nous écrivait « ces travaux de forçats » au tableau

Pour quitter la classe, nous devions attendre l’ordre du maitre debout à côté de notre pupitre. On en sortait un par un sans bruit, on descendait les escaliers dans un calme relatif jusqu’à la grille de l’école et là, malgré la surveillance de nos enseignants, c’était le défoulement verbal mais aussi les règlements de compte à coup de poings et pieds mais également à coup de cartables. Nos parents s’étonnaient toujours que les coutures de nos cartables ne tenaient jamais et pour cause… A notre décharge, il faut dire que ceux-ci n’étaient généralement pas en cuir, trop cher pour la bourse de nos parents mais, comme on disait, en carton mâché. Quand ils avaient été arrosés par quelques averses sur le chemin de l’école, les fermetures ou les poignées ou même les fonds ne résistaient plus beaucoup. C’est pour cette raison qu’on nous voyait souvent porter nos cartables sous le bras par mesure de sécurité.

Voila ce qu’était mon école, une école bien agréable à vivre, construite en bois, à l’extrémité de Bab el Oued, juste avant la petite ville de St Eugéne. Cette école Céccaldi de la rue Larrey qui a initié à la vie et aux études tant de garçons de toutes communautés, devenus pour la plus part des gens bien respectables. Je peux en attester puisque, par Internet, j’en côtoie encore quelque uns avec qui nous partageons nos souvenirs de jeunesse, ceux d’avant cette date fatidique de l’été 1962 et l’embarquement sur ce bateau qui nous a définitivement écarté de ce pays, notre pays. Je ne pourrais jamais parler de ce lieu de délice qu’était mon école sans un pincement au cœur tant je l’ai aimé ! Jean-Jean MORENO

Michel SUCH

Le : 15/03/2013 09:08

Cher André Trivés. Je pensais être le seul détenteur de :"La ouella fa roz sin seba, et le ouello di que no vol, la ouella salsa li pega et le ouello li trenca le pérol." Il m'arrive encore de chanter cette comptine en famille sous l'oeil effaré de mes enfants... Et je termine toujours par:" Dé Polop sone, dé Polop sone, nina, nina, nina nina nina... Je sens que cette journée va être belle et que je vais me retrouver sur les genoux de mon grand-père à chanter avec lui sous le regard amusé de ma ouella... Cagon dé dios!

Mustapha OUALIKENE

e : 14/03/2013 16:18

En lisant les billets de notre amie Andrée et de Merzak concernant notre irremplaçable ami Abdelkader (KIKI pour les intimes), une anecdote me revient en mémoire. C’était au stade de St. Eugène aujourd’hui Bologhine, juste avant de rentré sur le terrain pour arbitrer une rencontre de foot un de mes juges de touche à dis à Kiki qui était avec nous dans le vestiaire réservé aux arbitres qu’il était (le juge de touche) tout le temps déranger par le bruit de son voisin qui habite un étage plus haut. Kiki lui a dis que ce n’était rien puisque lui-même il faisait la même chose avec ses voisins surtout en été quand il faisait chaud, Kiki nous avait dis que de 21h à 23h et des fois bien plus tard, il dérangeait ses pauvres voisins avec sa femme et ses enfants dans leurs discutions. Quand je lui ai demander si ses voisins se sont plaint, Kiki nous avait dis que les malheureux ne sont jamais plaint et qu’il regrettait de ne pas les laissé se reposer en paix. Puis voyant que nous n’avions rien compris il nous avait expliqué que ses voisins ce sont les tombes qui se trouvent à proximité de sa maison puisqu’il habite à l’intérieur du cimetière de St. Eugène la grande maison portail coté Bd. Des Flandres. Mais depuis quand on veux discuter avec lui on le trouve sur une chaise sur le trottoir. Sacré Kiki

André TRIVES

Le : 14/03/2013 13:11

Pour remercier le talent affirmé d'écrivain de notre ami Merzak, à mon tour d'évoquer un souvenir olfactif de notre enfance :

Les murs des maisons autour du lavoir de la Bassetta à Bab el Oued, doivent se souvenir de ces airs espagnols qui se répandaient dans le quartier par les fenêtres entrouvertes les matins d’été. Nos aïeux se régalaient à écouter ces musiques de leur pays sorties d’un phonographe à manivelle. La vie se déroulait paisiblement, pourvu que la table du dimanche midi ait été bien garnie autour et dessus. Autour, il y avait la famille, parents et enfants ; dessus une marmite contenant une “arroz caldo” qui embaumait les paliers des maisons. A la fin du repas, retentissaient des rires à l’écoute de cet air valencien : “ La ouella fa roz sin seba, et le ouello di que no vol, la ouella salsa li pega et le ouello li trenca le pérol.” Cette comptine de nos anciens rappelait le pays de leurs ancêtres qu’ils avaient quitté pour offrir un avenir meilleur à leur descendance. Et comment oublier les odeurs qui s’installaient tous les jours, sur le coup de midi dans le courant d’air des maisons aux portes d’entrée jamais fermées. Les poivrons frits, les sardines en escabetch et l’ “omblette de pon de terre “ ravissaient nos narines. Alors on ressentait un torrent de plaisir se déverser dans nos gorges. Mes amis aujourd’hui tout comme moi en exil, quel bonheur et quelle chance d’avoir vécu cette époque à jamais révolue ?

Le Berger de Mostaganem

MERZAK

Le : 13/03/2013 22:43

Mr Eschinni.

Quel quartier n'a pas eu son personnage "spécial" faisant des apparitions épisodiques et pittorèsques, et que l'on taquinait gentiment.

Nous en avions un aussi, qui avait cette allure relachée d'un dimanche à la maison. Un dimanche qui durait des années, ressassant les mêmes reflexions, les mêmes confidences que la veille et que le lendemain.

On restait tout de même, à la fois perplexe et attendri devant la monotonie de cette vie rytmée par la ronde des saisons, dans lesquelles les jours se superposent aux jours, et les années aux années.

Toujours vétu à la 6-4-2 (sauf le dimanche), beaucoup l'appelaient Four à chaux "Fouratcho", et lui, fier de son camaïeu, était complètement imperméable aux critiques.

Andrée le connait car elle venait souvent aux baraquements en face.

Son nom Mr Eschinni ne lui dira rien. Mais si je lui dit que c'était le marbrier du 26 Ave Malakoff, alors cela remontera à la surface.

Un véritable artiste qui travaillait cette roche avec amour et noblesse (une de ses oeuvres, une boussole, se trouve toujours à Notre Dame, et à chaque passage, on se remémore avec émoi et tristesse cet homme qui a marqué ce quartier). Il était originaire de la région de Carrare, d'où venait le célèbre marbre blanc.

Il est parti un beau jour, comme beaucoup d'autres personnages du même calibre.

Sachez Mr Eschinni, où que vous soyez, que vous avez laissé un vide immense. C'est étrange, mais personne n'aurait pensé à le tutoyer.

Peut être parce qu'il tenait beaucoup à la noblesse d'un vocabulaire choisi et oublié de nos jours.

Nous avons beaucoup appris avec lui sur l'art et la peinture italiens. Quand à la lecture, il n'avait de goût que pour les auteurs qui écrivent "maigre": Laclos, Saint Simon, Retz, La Rochefoucauld...et nous gamins de l'époque, étions émerveillés par ces énigmes que nous ne comprenions pas.

Je tenais aujourd'hui à rendre hommage à cet homme qui a accompagné notre enfance et une partie de notre adolescence.

Il a marqué ce quartier qui longtemps fût miraculeusement préservé de la boulimie des promoteurs immobiliers et, qui est maintenant à l'abandon et privé de futur.

Où sont tous les êtres démunis et fiers qui ont fait "vivre" et "vibrer" ce quartier? Où sont les gitans de l'héliport?, "les résidents de la plage": Kaouène, Latrache, Drimouche, Rouget, Le Manchot, Yeux Rouges, Merzak (frère de Abdelkader, Yahia et Mokhtar Kentéra) et l'immense Choucha disparue dans d'atroces conditions que je tairais ici. Kiki le gardien de la mémoire et du Stade que je ne manque jamais de saluer à chaque passage à Alger.

Le magasin La Mer a disparu comme tant d'autres...mais les souvenirs restent. Indélébiles. Ainsi que cette nostagie qui est un véritable bonheur à l'imparfait.

Je m'excuse de la longueur de ce texte et remercie ceux qui ont eu la patience de le lire jusqu'au bout.

Andrée ATLAN

Le : 12/03/2013 12:15

jolie citation

Les odeurs de la maison, ces traces de souvenirs, ce sont peut-être les murs eux-mêmes qui se parfument aux âmes de ceux qui ont vécu là.

MERCI MERZAK BEAU TEXTE PLEIN DE TENDRESSE.

QUI RAPPELLE DES SOUVENIRS QUE L'ON A PAS OUBLIER SIMPLEMENT MIS DANS UN COIN DE NOS MEMOIRES.

TU PARLES DE MME MAURICE OUI QUI ETAIT ASSISE JUSTE EN FACE DE LA SINAGOGUE ET A CHAQUE PASSAGE UNE PETITE DISCUTION AVEC CETTE DAME.

DES PERSONNES VRAIES QUI NOUS ONT BEAUCOUP APPORTER IL Y EN A BIEN D'AUTRES.

IL Y A UN PERSONNAGE DU COTE DES BARRAQUEMENTS C'ETAIT CET HOMME QUE L'ON APPELAIT KAROUENE.

MERCI ENCORE POUR CE TEXTE.

MERZAK

Le : 12/03/2013 10:49

Mme Maurice.

Elle était toujours assise à califourchon sur sa chaise au seuil du 10 rue de Colmar, à quelques pas de la Synagogue Samuel Lebar, et de l'entrée des tabacs du Globe rue de Dijon.

Il y avait au coin de ces deux rues, une pierre en granit, scéllée à l'immeuble où elle aimait s'assoir et qu'on appelait "la pierre de Mme Maurice. Car c'est bien d'elle qu'il s'agit.

Mr Larfi "l'ancêtre" était toujours à ses côtés, un mégot maïs aux coin des lèvres, silencieux comme une carpe.

Elle nous disait que c'était un péon spécialiste en pyrotechnie, et nous, on faisait semblant d'y croire, même si on savait qu'il avait toujours habité les baraquements en face des Bains de Chevaux.

Tout de noir vêtue, elle semblait tout le temps penser à quelque chose, comme si sa vie entière lui passait sous les yeux en permanence, et qu'elle cherchait à en sélectionner les moments les plus intéressants.

Elle avait la réplique facile, un vocabulaire coloré, et nous avons appris avec elle à insulter en italien. espagnol, hébreu, arabe kabyle, et même un peu en francais.

A peine la distinguait-on de ce qui l'entourait, et dés qu'on l'apercevait, si fine, si menue, il semblait que tant de "grossièreté" allait l'écraser, mais sa simplicité avait raison de tout. Chacun de ses gestes semblait exprimer une bonté profonde, discrète, une perpétuelle vigilance du coeur.

Qu'elle ait souffert, nul n'en doutait. Et nul ne doutait que cette souffrance ait été à la mesure de ses forces, de la prodigieuse résistance morale dont on la sentait capable.

Elle disait aussi que les fleuves les plus boueux ont une source (claire). Mais qui de nous pouvait comprendre à l'époque. Et, chose étrange, son présent appartenait à tous. Y puisait qui voulait. Merci Mme Maurice pour toutes ces leçons de savoir vivre que nous ne comprenions pas.

C'est un petit hommage à cette femme hors du commun, et un petit salut à tous les anciens de Bab El oued disséminés un peu partout qui se reconnaitrons sans peine, et avec lesquels je conserve encore aujourd'hui un lien en pointillé, à coup de mails et de SMS.

Bonjour aux familles Garcia, Addadaine, Passarelli, Boucetta, Aznar, Robinet, Choukroun, Bentolila, Kerroum, Montiel, Olives, Balzano, Sauvin, Riquelme, Spinoza...et tous les autres la liste est longue...

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