Né à Bab El Oued - 1948 - ALGER

 

Bibliothèque des trois horloges

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André TRIVES

Slimane et Omar

L'enfance c'est des moments de vie rangés méticuleusement dans la bibliothèque de sa mémoire et qui reviennent en boucle tout le temps dès qu'un signe vous relie à ce passé de vérité. Ce signe peut être une odeur, un son ou la lecture d'un simple mot qui vous transperce d'émotion. Dernièrement sur notre site un message de l'ami Merzak portait ces mots:"Slimane le charbonnier"; mon regard s'est immédiatement embué, ces mots étaient lourds de signification pour moi, ils représentaient toute mon enfance à Bab el Oued.

Slimane DOUDOU et son frère Omar tenaient un commerce de charbon juste en face du magasin de vins et liqueurs de mes parents au 4 rue des Moulins. Ils étaient originaires de Bounoura près de Ghardaïa (Mzab) et m'avaient vu naître en 1941. Entre mes parents et les Doudou, il y avait bien plus que de l'amitié. Pendant les années 39/40 alors que mon père était mobilisé sur le front en France, Slimane rendait de nombreux services à ma mère qui gérait seule avec un enfant de 3 ans le magasin. Il intervenait quotidiennement pour placer les lourds tonneaux de vin sur le chantier; sans son aide, ma mère n'aurait pas pu assurer la marche du commerce.

Le magasin de Slimane était une véritable caverne d'Ali Baba. On y trouvait tous les produits de droguerie vendus au détail et à l'air libre; si bien qu'en entrant dans l'espace réduit qui accueillait les clients, on avait les yeux et la gorge qui piquaient. Dans un grand tonneau situait à la droite de l'entrée, recouvert d'un plateau, se trouvait contenu de la sciure de bois utile pour éponger la pluie, et au dessus une balance romaine servant à peser le charbon qui était stocké dans la pièce arrière jusqu'au plafond. Inévitablement, de temps en temps, la pile de charbon dégringolait brutalement, semant la panique dans le magasin et dans la rue où un immense nuage de poussière noire se répendait telle l'encre de sépia sur une proie. Les haïks blancs des femmes sorties précipitamment sur le trottoir pour respirer avaient radicalement changé de couleur; et Slimane comme un capitaine de navire en train de sombrer, sortait le dernier enveloppé d'un nuage étouffant tel Aladin de sa lampe magique. Avec un sourire à la "Afric-film" d'où ressortait avec innocence le blanc lumineux de ses yeux et de sa dentition, il se confondait en excuses auprès des voisins et l'incident était clos. En pénétrant dans le local, on était saisi par une ambiance de catacombe où l'ampoule électrique recouverte de poudre fine distillait une lumière tamisée comme dans une boîte de nuit. Deux calendriers côte à côte étaient fixés au mur: le traditionnel et celui de l'Hégire écrit en arabe; et entre, une grande main de Fatma de couleur verte, sertie de paillettes qui prévenait:" ici vaut mieux ne pas mettre les yeux" et malheur à celui qui essayera " Rhamsa laïnik". Du comptoir servant de caisse, submergé de facture et du traditionnel carnet "marques!" faisant crédit aux clients, aux rayonnages où s'entassaient des produits les plus hétéroclites: kanoun, lampe à pétrole, veilleuses, fourneau à pétrole, déboucheurs de fourneaux, mèche à lampe, bougies vendues à l'unité, cristeaux de soude, naphtaline, pinceaux à chaux en alfa, lavette en filasse, éventail et soufflet (marora) pour kanoun, alcool à brûler et pétrole tirés d'un tonneau métallique, lessiveuses, savon de Marseille en paillettes, blanc d'Espagne, brillantine Roja, le "ça sent bon" (banita), paquets de lessives Bonux et Persil, pompes à flytox, poudres à teintures, henné, encens(jaoui) et pour les superstitieux: graines pour kanoun(fassour) et tarentes séchées (téta): tout sans exception était noirci de poussier. A chaque vente, il époussetait le produit en soufflant énergiquement d'une expiration profonde comme un trompettiste de jazz afin de retrouver l'étiquette qui donnait le prix. Quand j'allais "faire" de la monnaie pour mon père, au retour je n'échappais jamais aux salissures du noir de charbon qui font la réputation légendaire des charbonniers.

Un jour Slimane est rentré dans le magasin de mes parents, propre comme un sou neuf et vêtu d'un costume européen avec une petite valise à la main. Je devais avoir entre 9 et 10 ans. Il venait chjercher mon père qui avait aussi préparé sa valise en carton pour rejoindre la gare d'Alger et prendre le train "inox" en direction d'Oran. Tous les deux étaient de fervents supporters de l'équipe de foot le R S A (Red Star Algérois) et ils allaient assister à un match de coupe. Leurs idoles s'appelaient: GANEM, PONSETTI, VERMEUIL, ZAIBECK, CAILLAT, MAOUCH, les frères MAGLIOZZI,DHIEL... Je les avais accompagnés jusqu'au tram place de l'Alma et leur au revoir dégageait une immense joie d'aller vivre ce beau moment de plaisir ensemble.

Je me revois âgé de 5 ou 6 ans dans le calme d'un après midi d'été, Slimane me juchait en amazone sur le cadre de son vélo et me faisait faire le tour de l'immeuble par la rue de Chateaudun et la rue du Roussillon. L'air chaud qui caressait mon visage me donnait une sensation de rafraîchissement comme le ventilateur qui tournait au plafond de chez Prosper le marchand de tissus. Il s'excusait parfois de ne pas pouvoir me ballader à nouveau et me disait:" André, j'ai pas le vélo, il est en réparation chez Kallista".

Chaque midi, le magasin dégageait des odeurs de cuisine; Slimane préparait le repas. Je le revois activant par saccade la pompe du fourneau à pétrole comme une pompe à bicyclette et me disant poliment:" André, tu manges avec moi ?" Il faut bien reconnaitre que Slimane et Omar étaient déjà des travailleurs immigrés dans leur propre pays. Ils travaillaient à Bab el Oued loin de leur famille qu'ils retrouvaient une fois tous les 2 ou 3 ans. A cette occasion ils s'habillaient avec fierté dans le tradistionnel costume des gens du sud tout de blanc vêtu; ils allaient enfin retrouver femme et enfants qu'ils avaient regardés durant de longs mois de labeur et d'isolement pénibles sur de minuscules photos en noir et blanc délavés.

C'était çà notre vie; remplie de scènes pittoresques d'une époque totalement révolue et que nous partagions parce qu'elles faisaient partie de notre destin commun.

Dans le quartier nous nous connaissions de père en fils depuis des générations. Les fils prenaient la suite des parents et cela semblait éternel.

Les charbonniers Slimane et Omar rendaient des services à tout le quartier et tout le quartier les considérait comme de la famille.

Annie SALORT

A vous tous,

Voulez-vous danser Grand-Mère ? voulez-vous danser Grand-Père ?

Tout comme au bon vieux temps, quand nous avions 16 ans ! La-bas à bab el oued !

Sur un air qui nous ressemble, Be bop oula ! Rock 'n Roll, Les Chausettes Noires,

Lets Twist Again, Only You, les Platers, Aïe Aïe le slow ! qu'est ce qu'on flirtait !

On disait "taper la paille" . Vous vous souvenez Joce, Linda, Lulu, Francis, Georges ?

Voilà à toutes les Mamies que nous sommes devenues 46 ans plus tard, une Merveilleuse Fête des Grands Mères sans oublier les Papys et en vous souhaitant à tous et toutes de devenir des Arrières, Arrières Arrières Mémés et Pépés.

Que D.ieu vous benisse et vous garde tous en bonne santé et au plaisir de se retrouver tous à Rognes le 1er Juin prochain.

Dans l'attente, je vous adresse mes affectueuses pensées grâce à ce merveilleux site.

MERCI QUI ? MERCI CHRISTIAAAAAAAAAAAN !

Bises Annie

Alain MORENO

Bonjour à toutes et tous: A, Annie Salort souvenirs, souvenirs quand tu nous tiend. J'avais un peu plus de trois ans de moins que toi. Mais je me souviens très bien des filles à la Basseta, la Placette de l'école Lelièvre, sur nos belles plages, se déhanchaient en écoutant sur leur Téppaz à piles, sans oublier le rond central, pour empiler plusieurs disques 45 tours les chansons de cette merveilleuse époque. Et nous comme des bourricots ont regardaient les belles filles danser en se disant, Aie,Aie,Aie celle-là je lui pincerais bien les f....s, mais après j'avais plutôt intérêt, à faire scappa. Je me permettrais d'ajouter à ta liste de chanteurs celui que l'on oublie souvent s'est Paul Anka(you are my destiny,Crasy love,Diana, etc...) Danielle Pastor l'écoutait souvent, je l'entendais d'en bas de chez moi dans la cour. Ce qui était merveilleux, et typique de chez nous, s'est que les gens chantaient tout le temps, parfois admirablement bien, en préparent le repas, sur les balcons,les térrasses en étendent leurs linges. Et parfois tard le soir ont s'installaient assis, le long du trottoir Av de la Bouzaréah avec les voisins et voisines pour papoter, mais surtout pour écouter Radio-Andorre, sur cette station on entendait pour le plaisir de beaucoup de gens, de la musique, et chansons Espagnoles. Tout le monde dansait, chantait, les gens de passage s'arretait pour écouter. Le boulanger, Mr Clapez nous offrait des bambas, tandis que Me Clapez nous servait de sa glace au créponet dont elle gardait jalousement son secret de fabrication. QUELS MERVEILLEUX SOUVENIRS n'est-pas Annie.

Bonne fête à toutes les mamies, et les papis comme moi aussi.

Amicalement Alain Vincent

Pierre-Emile BISBAL

Le petit arabe.

Depuis le début des vacances d’été mes parents louent une partie d’un cabanon à la Trappe. Ils y viennent le soir et chaque fin de semaine. Le reste du temps j’y suis seul sous l’autorité bienveillante de ma grand-mère. Je vis en permanence au paradis. Toutes mes journées débordent de liberté. Elles se partagent entre la baignade, la pêche, les jeux dans les bosquets situés en haut de la zone occupée par les cabanons et limitée par le haut mur du « Club des Pins ». A vivre ainsi totalement en plein air et sous le soleil ma peau s’est noircie. Cet extrême bronzage a exacerbé les spécificités de mes origines espagnole et mahonnaise.

Ce samedi après-midi, après avoir respecté le sacro-saint temps de la digestion, ce sera baignades avec mes parents. Alors qu’eux se dirigent vers la plage, chargés du parasol, des serviettes et autres rabanes, moi je file vers cette zone de rochers plats qui affleurent la surface de l’eau. Là, dans les cavités comblées par la mer, il est facile de capturer à la main un cabot, une fine girelle multicolore ou une crevette translucide. Je dépose mes prises minuscules dans un petit seau de plage dont la rouille dévore les clowns qui le décorent.

C’est l’heure où les baigneurs arrivent. De mon terrain de chasse j’aperçois mes parents qui s’installent. Près d’eux une dame et une petite fille font de même. La dame parle avec maman. Mon père prépare ses palmes, son masque et son tuba. C’est le signal, la digestion s’achève. On peut aller à la « baille ». Il est temps de cesser ma pêche. Dans mon seau, trois cabots tournent en rond. Pour regagner l’endroit où sont mes parents, je croise la route de cette petite fille qui doit avoir mon âge. Elle jette un regard dans mon seau et s’exclame « Ho ! des goujons ! » . Elle a un drôle d’accent pointu. L’an dernier, toujours pendant les vacances, j’étais à Amélie-les-Bains, en métropole, avec mes grands-parents qui y faisaient une cure. Leurs amis de Paris avaient ce même accent. Je pose mon seau dans la sable et nous nous accroupissons pour observer mes prises. Je rectifie «C’est pas des goujons, c’est des cabots ! ». La petite fille n’a pas le temps de me répondre. Sa mère lui intime sèchement de revenir près d’elle. La gamine obéit et fait volte-face. Quand elle arrive à hauteur de sa maman celle-ci la saisit par le bras et lui déclare, elle aussi avec un accent pointu : « Je t’interdis de jouer avec ce petit arabe ! ». Elle l’a dit si fort que je l’ai entendu et mes parents aussi.

Je suis surpris par la réaction de cette adulte qui refuse à sa fille la possibilité de jouer avec un arabe. Moi, les arabes je m’amuse avec eux dans la rue, la cour de récréation ou à la placette Lelièvre. Je ne suis pas le seul et il n’y a pas d’interdiction. Confronté à cette attitude surprenante, je me sens coupable comme après avoir fait une bêtise mais laquelle ? Mon seau repose sur le sable. Pour me donner une contenance, je l’empoigne, cours vers la mer pour le vider et libérer mes trois poissons.

Mon père se lève. Très calmement, très distinctement, avec sa voix forte il m’appelle « Pierre-Emile, viens ici ! ». Immédiatement la dame s’enferme dans un silence embarrassé. Craint-elle que le fait m’avoir confondu avec un arabe ne nous irrite et déclenche une altercation ? Comme rien ne se passe, la surprise s’ajoute à sa confusion. Je rejoins mes parents que cette gêne amuse.

Il y a un moment de vide puis, mon père se dresse d’un bon. J’attendais cet instant. Je connais le jeu et son scénario rituel. Il me soulève, me prend sous son bras, pénètre dans l’eau en courant à grandes enjambées puis me jette dans les vagues. Je pousse le cri d’effroi réglementaire. C’est ensuite une grande bataille d’éclaboussures. Rapidement l’amusement gomme l’incident, mais cet épisode se colle dans un coin de ma mémoire.

Bien plus tard, dans mon esprit, cette scène illustrera, une des causes de notre douloureuse séparation d’avec ce pays. Ceux-la même qui, sans nous connaître totalement, nous reprochaient de maintenir des différences entre les communautés présentes en Algérie s’autorisaient à pratiquer de réelles discriminations.

Claude QUESADA

Terre Algérienne, notre MERE

Jeunesse des années 50, te souviens-tu, du boulevard du front de mer d’Alger qui a connu l’épanouissement de tant de d’amours et de flirts ?

Qu’il valait cher ce mètre carré, non ce demi mètre carré, adossé aux remparts de cette promenade !

Que de promesses, que de serments ont-ils été échangés !

Te souviens-tu de l’exaltation du premier baiser, de l’engouement ou de la maladresse du premier bécot, de l’émoi des premières caresses !

A cette époque, il fallait laisser du temps au temps pour réaliser son œuvre.

Jeunesse des années 50 de BEO te souviens-tu de ces effluves légers d’eucalyptus et d’iode qui venaient attiser nos odorats ?

Jeunesse des années 50 te souviens-tu des baignades sur la côte Ouest où les forêts de pins venaient jeter ses épis sur le sable doré de la plage, ou des plongeons sur la côte Est bordée, au loin, par les monts du DJURJURA couverts de neige ?

Un simple rocher sur un lac a fait écrire à Lamartine l’une de ces plus belle phrases : « Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? »

Qu’aurait-il écrit devant cette terre d’Alger ou d’Oran ou de Bône ou d’ailleurs, cette terre enrubannée de bleue par la Méditerranée si magique , si extraordinaire, si féerique qu’elle a marqué à vie les cœurs de tous ceux qui l’ont connue comme ont été marqués pour l’éternité, tous ces rochers érodés et frappés par les vents, la mer, le sable et le soleil.

Oui jeunesse des années 50 tu as été jetée, en 1962, avec tout le peuple des PN de l’autre côté de cette mer qui a bercé notre enfance.

La nostalgie de « là-bas », les souvenirs des temps heureux ou malheureux ont gravé au fond de ton cœur un bonheur que nulle part ailleurs tu aurais pu connaître.

Bien mince consolation ! ! ! !

Robert VOIRIN

BONNE ANNEE 2008

A vous bande de calamars boiteux,

Qu'est ce que je dirai pas pour vous rendre heureux,

Sinon vous donner une calbote amicale,

Que ça va sûrement pas vous faire mal,

A vous tous les fartasses, les guitches et les laouères,

Ceux qui allaient se taper le bain en bas la mer,

A tous les bouffeurs de cocas, mantecaos, zlabias,

Bliblis, roliettes, mounas, mouqrouts et calentitas,

A ceux qui dégustaient les brochettes à Fort de l'Eau,

A ceux qui tapaient cinq, à tous les falsos,

Aux buveurs d'anisette avec kémias,

A ceux qui faisaient sans arrêt l'avenue de la Bouzaréah,

A tous les falempos qui mentaient comme des voleurs,

A tous ceux qui ont fait le bras d'honneur,

Et ceux qui trichaient aux tics tics,

Ceux qui faisaient la chaîne au Majestic,

Ceux qui tiraient le fer au cassour, à tous les kilos,

A ceux qui, comme moi, tapaient cao,

Ou soit disant maqua hora,

Ceux qui jouaient aux tchalefs ou au tas,

Ceux qui ont fait, les pôvres, figa ou tchoufa,

A ceux, que quand ils partaient on aurait dit qu'ils revenaient,

Aux anciens de Bab El Oued, mon quartier,

A mes voisins de la rue Réaumur et de la Cité Picardie

A tous ceux de notre ancien " paradis "

A tous ceux là,

En pensant à ceux que j'aimerai qu'ils soient toujours là,

Je souhaite que cette nouvelle année vous apporte le bonheur,

Et surtout que cette purée de santé, elle vous laisse pas tomber.

Robert Voirin

Pierre-Emile BISBAL

Amidou

Au marché de Bab-El-oued, il faut dépasser l’antre de Blanchette et obliquer vers la droite pour atteindre le magnifique étal d’Amidou. Pour moi, c’est l’endroit le plus intéressant du marché. Quoi de plus beau, pour un enfant de huit ou neuf ans que ce bazar en plein air. Amidou œuvre sous un grand parasol sombre, presque noir. Perché sur une caisse en bois, il trône au centre de son commerce. Il se ménage un étroit passage afin de pouvoir quitter sa citadelle et circuler autour de son royaume pour monter le fonctionnement d’un article ou rectifier l’agencement de sa marchandise. Son étal, savamment organisé, offre une profusion d’ustensiles et d’objets que l’on peut, sans contrainte aucune, regarder, examiner, palper.

Les râpes à fromage, les lacets, les bouchons, les filets à provisions, les multiples couteaux et autres éplucheurs de légumes, les boites de cirage, les décapsuleurs, les tire-bouchons, les cubes de savons, les grosses boite d’allumettes, les martinets aux lanières de cuir inquiétantes, les petits outils, les moulins à café, les égouttoirs en métal brillant ou en plastique coloré, les cuillers de bois, les couffins, les couscoussiers, les gamelles « à étages » pour manger à l’atelier ou au chantier, les récipients de toutes sortes forment des zones où il est obligatoire de fouiner pour trouver ce que l’on cherche. Il vend même de l’élastique carré qui me fait baver d’envie. Cet élastique indispensable à la fabrication d’un lance-pierre. Pour l’instant, inutile de rêver. Ni ma grand-mère ni personne d’autre de la famille ne contribuera à la confection d’un « taouette » digne de ce nom. Trop dangereux un lance-pierre, ça ne fait que crever les yeux des autres enfants !

« Chez Amidou on trouve de tout ». Ce cri, Amidou le lance à intervalle régulier pour éveiller l’intérêt du flot qui circule autour de son commerce. C’est sa marque de fabrique. En vrai bateleur il captive son public de la voix et du geste. Seul Mezrar, avec sa jambe de bois et qui vend de la mercerie à une autre place du marché, peut tenter de rivaliser avec lui pour attirer et retenir le client

Amidou ne se contente pas de signaler l’excellence de sa marchandise comme le font les vendeurs de légumes ou de poissons. Non, il vous félicitera pour l’acquisition d’une nouvelle râpe à gruyère qui modifiera votre vie et celle de votre famille. Il s’active, va de l’un à l’autre et vante sans relâche les qualités de ses produits. L’argent des ventes est avalé par un petit coffret de fer dont il laisse retomber le couvercle produisant un bruit sec qui rythme la cadence des achats.

Mais, à mes yeux, ce sont les longues baleines de sa gigantesque ombrelle qui supportent les trésors les plus inestimables. A chaque armature tendant la toile pendouillent de modestes jouets. Ils sont suspendus à un crochet, retenus par un fil de fer ou tassés dans des filets. Cordes à sauter avec des poignées de bois décorées de cercles de couleurs. Poupées et baigneurs aux sourires figés et aux bras tendus. Ballons de toutes tailles pour le foot ou les jeux de plages. Toupies de bois et, pour les petits, toupies ronflantes métalliques aux flans arrondis et garnis de sujets enfantins. Voitures à friction ou à clé aux personnages dessinés sur les vitres et le pare-brise. Sacs de billes en terre ou en verre, osselets (quatre gris et un rouge) dans leurs boites en plastique transparent. Bâtons de pâte à modeler enveloppés et scellé dans du rhodoïd cristal. Harmonicas rudimentaires dont la peinture rouge ou bleue déteint parfois sur les lèvres. Révolvers de cow-boy vendus avec un ou deux rouleaux de pétards que l’on range dans le barillet. La sèche détonation s’accompagne d’une légère fumée grise à l’odeur piquante. Pour les moins sophistiqués, des pistolets noirs en métal embouti, on glisse l’amorce en forme de confettis avec une charge de poudre en son centre, directement dans le logement recevant le percuteur. Depuis quelques temps une nouveauté vient se rajouter. Ce sont les Houla Hoop, grands cercles rigides en plastique, que les filles font danser autour de la taille.

Depuis plusieurs minutes, je guigne un magnifique petit pistolet à flèche fixé au centre d’un carton rectangulaire décoré de scènes du Far-West aux couleurs agressives. A gauche, un cow-boy, en grande tenue cabre son cheval. A droite, retenues par de petits élastiques, trois flèches de bois avec des embouts de caoutchouc rouge. Au dessus un bison cerné par des indiens porte une cible dessiné sur le flanc. Je n’ai pas du me battre longtemps pour convaincre ma grand-mère de m’acheter cette merveille. J’ai simplement promis de ne pas amener cette « arme » à la placette. « Et oui, m’affirme-t-elle, si l’embout de caoutchouc s’enlève on peut crever l’œil d’un enfant ! » Toujours ce foutu œil crevé…A croire que Bab-El-Oued est la capitale des gamins borgnes !

« Chez Amidou on trouve de tout », l’appel nous suit alors que nous quittons son royaume. Le reste des achats me semble long. Même la dernière halte chez « Rouget », pour prendre des sardines ne me réjouit pas. D’habitude l’examen des différentes sortes de poissons alignés, bouches ouvertes, sur l’étal me captive. Aujourd’hui c’est l’ultime station de mon chemin de croix. J’ai hâte d’être à la maison pour déballer précautionneusement mon pistolet et commencer mon entrainement de chasseur de bisons.

Antoine BILLOTTA

Eh voilà! L'avalanche des souvenirs grossit, grossit tellement que des torrents d'émotions viennent nous submerger, nouer nos gorges et embuer nos yeux (non, j'ai pas dit « nous faire pleurer »: on est "schquartiones" ou pas?)....

Maintenant, si tu sais pas qu'en allant sur le site, tu vas direct sur l'quartier sans prendre l'avion ou le bateau, c'est que t'ché barjo ou qu't'ché pas d'chez nous. Alors, te gêne pas, et viens partager ces merveilles avec les ancien-ne-s du site et les nouvelles qui se font de plus en plus nombreuses.

Merci à toi, Annie pour cette balade au PETIT DUC que j'ai connu aussi et dont j'ai vu la démolition. Merci à toi, Jean-Louis pour nous avoir promenés dans ces rues qu'on connaissait comme notre poche et d'avoir cité le nom de Melle Valensi qui (et là, je me rengorge!) a été ma "première maîtresse" en 1946 à l'école Sigwalt, mais rue Charles Lebars où se trouvait également une autre classe: celle de M.Gantchoula

Depuis le 1er jour où elle est arrivée tout vêtue de rouge, elle a profondément marqué ma vie puisqu'elle m'a toujours suivi et dirigé à distance à telle enseigne que, quand elle nous a quittés pour la rue Mizon, tous les parents et les enfants en avaient été consternés. Mais bon, elle habitait avenue de la Marne et je me consolais tant bien que mal puisque je la rencontrais tous les matins en allant au lycée, rougissant chaque fois qu'elle me faisait la bise et s'informant de mon travail.

Et puis un jour, le ciel qui me tombe sur la tête: on reçoit à la maison son faire-part de mariage ! ! ! P....! quel choc ! Moi, Son Chouchou, Son Chéri, me faire ça à moi! J'en ai été malade et priais tous les saints que ce mariage ne se fît point....Et la veille de son mariage, vous ne le croirez pas, un pneumatique (lettre urgente par porteur) arriva, nous annonçant qu'il était rompu....

Vous dire que j'en étais heureux est faible...Je la retrouvais chaque jour, et puis aussi lors de mon certificat d'études au CC Lelièvre, en candidat libre avec ses grands yeux écarquillés pour me demander ce que je pouvais bien faire ici......Puis ce fut la Fac, la vie active, l’éloignement et en juin 1961, la convocation au Lycée Delacroix pour corriger les épreuves d’anglais du BEPC dans une salle réservée à cet effet. Parfois, on se levait pour se dégourdir les jambes, discuter un brin avec les autres collègues. Vers midi, je me dirigeais vers la sortie quand, d’une autre salle , à ma grande surprise, apparut une dame bien habillée et élégamment coiffée :…Melle Valensi ! ! ! Elle m’a pris dans ses bras, m’a embrassé et après quelques balbutiements de ma part, m’a entraîné dans la salle de correction des épreuves de français où se trouvaient encore tous les correcteurs en s’exclamant à haute voix :« Je vous présente Antoine. Je l’ai eu comme élève au CP et maintenant il est professeur ! C’est extraordinaire, non ? » Et de continuer à m’encenser et tenir des propos dithyrambiques à mon égard. J’étais rouge de confusion, mal à l’aise, sans voix….: Je redevenais le petit garçon de l’école Sigwalt, comme au 1er jour de sa rentrée où mon cœur s’était mis à battre à tout rompre….

Depuis ce jour, je ne l’ai plus revue, sans jamais l’avoir oubliée…

Merci, Melle Valensi de m’avoir appris à lire et à écrire et donc permis de raconter et partager cette belle histoire avec toutes celles et ceux que j’aime.

Jean-Louis GAS

Christian,

Je regarde assez souvent ce site pour avoir en quelque sorte une dette morale. Je n'aime pas trop écrire sur les livres d'or. Mais depuis quelque temps, j'ai envie de dire comme Christian "moi aussi je suis de Bab el Oued". Et j'ai envie de vous dire à tous quelques souvenirs, de déposer comme l'on dit une petite contribution. Comme de plus, quand je lis vos âges, je me sens maintenant parmi les anciens sur le site, il est temps que je m'y mette. Ainsi donc, j'habitais Boulevard Guillemin, au 19 (il n'y avait pas de 17 !). Et à l'époque ce boulevard constituait disait-on la limite du quartier de Bab el Oued; on se sentait plutôt de Nelson. D'ailleurs je suis allé à l'école primaire rue Lazerges. A Bugeaud, plus tard. Mais lorsque le 23 mars, dont tout le monde se souvient ici, sur ce site, il a fallu partir dans les conditions que vous savez, à Béni Messous, j'habitais bien Bab el Oued.

Ce qui m'a fait entreprendre ces quelques lignes, c'est le mot de l'une d'entre nous qui parlait du café Chez Alex, où nous allions manger, comme toi, Jacqueline, les mêmes plats aux noms savoureux et évocateurs. Je regrette bien de ne l'avoir pas retrouvé, Alex, quand il tenait un restaurant à Nice; je ne le savais pas.

Et de là, je me suis revu dans cette avenue de la Bouzaréah, où nous arrivions par la rue Barrat, tournions à gauche à hauteur du magasin de Mlle Legendre (que vendait-elle ? je ne me souviens plus, de l'électro-ménager je crois). Quelques mètres plus loin, presque juste en face de chez Jules, le chemisier (que j'ai retrouvé à Paris), nous coupions la voie du tram et entrions au garage (ça descendait), tenu par un monsieur Spielman. Il y avait dans ce garage une odeur particulière, d'essence de l'époque je pense. En sortant du garage, à gauche de la porte il y avait un El Baz qui était marchand de jouet. Moi qui adore les miniatures d'autos, je me régalais. A côté de Jules, un pâtissier je crois faisait la pige au marchand de beignets, sur le même trottoir, et vendait des olgas (qui s'en souvient ?) Restant sur le même trottoir en nous dirigeant vers l'avenue de la Marne (où je suis né) nous allions avec mon père acheter les journaux chez Berger (en face ou presque il y avait la pharmacie de monsieur Amouyel, dont le fils Pierre était un copain de Lycée et a fait une carrière brillante. Puis nous passions devant la miroiterie Borras et Sampol (grâce à André Borras j'ai retrouvé mon copain de Lycée José Sampol, qui est devenu un ponte des milieux médicaux marseillais). Un peu plus loin, nous passions devant l'opticien ami de mon père Vincent Daure, puis devant la pharmacie Lafargue (Paul était un ami de mon père). Nous traversions souvent là, juste avant l'arrêt du tram, passions devant Le Faisan d'Or, le café, laissant à notre gauche le marchand de journaux et de tabac Lobéra. Escaliers montant vers la rue Montaigne. Guercy, le marchand de cycles dont le fils était un champion. A côté de Guercy, l'ébaniste Monsieur Sendra, encore un ami de mon père, dont j'ai retrouvé un des fils, Jean-Pierre. Pourquoi est-ce que j'associe Spigol à ce niveau ? il devait y avoir un magasin, ou une publicité, ou alors la famille Espig habitait là. Re-escaliers, arrivée à la placette, en haut de la rue Livingstone, où nous passions de longs moments à parler et rire, quand nous ne jouions pas au foot avec n'importe quoi, les bouches d'égoût servant de buts. Sur la droite, l'épicerie tenue les derniers temps par monsieur Pouillès. Je passais devant le 15, où habitait Anne-Marie (que je n'ai hélas connue que récemment à Paris et grâce à l'Internet). Arrivé au 19, soit je rentrais sagement, soit je poussais jusqu'au 21, où habitaient grands-parents, oncle et tante, et donc mes cousins Planès, Jean-Pierre et Alain. Juste après, l'usine de tabac Job, puis la rue Reine et Guillaumet, où il y avait une école, juste au pied des escaliers de la rue Mizon; la directrice en était Mlle Valensi. Je ne veux pas envahir le livre d'or de Christian, donc je vais de ce pas au 19, et je rentre sagement à la maison, où dans mes pensées je retrouverai Jacqueline, et peut-être Elisabeth. Mais où suis-je ? ça y est je délire, ou plutôt je rêve. Ne m'en veuillez pas mes amis de jeunesse. Je reviendrai vous voir, ou du moins vous parler. J'ai passé grâce à Christian et avec vous tous un moment bizarre. Pas triste. Peut-être nostalgique tout de même. Mais plus il va plus je pense à cette première partie de notre vie, de ma vie, avec une certaine tendresse. Et ce soir, cette tendresse, j'avais envie de la partager avec vous. Du boulevard Guillemin, d'où je vois la mer, mais aussi le collège Guillemin, dont Grim et d'autres s'occupent en ce moment, je vous envoie de très sincères amitiés .

Jean-Louis

Annie SALORT

Alain Moreno

C'est moi qui t'ais mis en rapport avec Jacky Pastor, j'habitais la petite rue Eiffel, en face la cité des moulins. au 58 avenue de la bouzaréah.

Je sais pas si tu t'en souviens, on dévalait la petite côte de la rue Eiffel, en carriole ou en patins à roulettes, et elle était raide la descente, et on atterrissait en bas de la menuiserie. Que de genoux et coudes erraflés !

Quelle déception, lors de mon retour en 2006, de ne plus retrouver ma petite rue.

Plus de Café de Barcelone, tenu par la famille POZAS, plus de marchand d'espadrilles, plus de moutchou, où l'on achetait les chewing-gum "globo": vert perdant, rose gagnant,

plus de mercerie tenu par Monique Gelabert, plus de librairie de Madame CARDONA qui vendait "pépito", kit Carson, et Mickey. Plus de bijouterie, plus d'escaliers qui débouchaient rue Léon Roches. Tu te souviens de la maison fantôme ? disparue elle aussi. On l'appelait comme çà, parce qu' on rentrait par la rue eiffel où habitait la famille GOZALVES (4 frères dont le petit blond Jean-Louis, notre copain décédé en 2003) et on ressortait au 2ème étage qui était l'entrée rez de chaussée de la rue Léon Roches , l'immeuble qui surplombait la menuiserie .

et plus je montais l'avenue et je ne retrouvais plus le Café "La Butte" ni le Bain Maure.

Tout a été emporté avec les inondations. Quel dommage, ce tronçon de quartier de bab el oued avait un charme particulier, juste en bas de la basseta, en face la cité des moulins, la rue cardinal verdier qui montait place Lelièvre, le marché à deux enjambées,la rue Léon Roches à deux pas. Quelle Merveille ce quartier, où tout le monde se connaissait. et partageait les joies et les peines de chacun.

Comme je disais aux patos : Quand une accouchait, c'est tout le quartier qui avait les douleurs.

Moi aussi j'aimerai avoir des photos de notre quartier de ce temps là, si tu as des sources ou des tuyaux, je suis preneuse.

Qui se souvient, juste à côté du marchand d'espadrilles, il y avait un tout petit magasin de jouets qui était tenu par une famille Indoue. Des gens merveilleux de gentillesse et de douceur. Leur plus jeune fille s'appelait "Bagoue" c'était ma copine, elle jouait avec nous dans la petite rue eiffel, tu t'en souviens Alain ?

Je me demande qu'est ce qu'il est advenue de cette famille à l'indépendance, sont-ils rentrés en France ? ou repartis en Inde ? Ils étaient bien intégrés Pieds Noirs Si quelqu'un sait quelque chose à leur sujet, on ne sait jamais, le monde est si petit !

MERCI CHRISTIAN que ce site ne meure jamais, ce serait tout reperdre à nouveau !

Bises à Tous

Annie

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