Né à Bab El Oued - 1948 - ALGER

 

Bibliothèque des trois horloges

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André TRIVES

LES POISSONS DE CHEZ NOUS

Comme beaucoup d'entre nous lorsque l'on accompagne son épouse aux commissions, j'étais planté dans la file d'attente de l'étal de poissons d'une grande surface, patientant tranquillement à l'écoute de l'appel de mon numéro d'ordre pour être servi. Je me régalais d'observer sous la rampe fluorescente le scintillement multicolore des sardines, merlans, pageots, queues de lotte, ailes de raie et autres bars, saumons et daurades d'élevage militairement rangés sur un lit de glace pilée. Pour moi, c'est toujours un plaisir de contempler ces produits de la mer qui achalandent la poissonnerie et qui, rapidement, me font naviguer loin, très loin. Ce jour là, en un instant, je n'entendais plus le brouhaha du magasin entrecoupé par les annonces d'un haut-parleur, je me retrouvais malgré moi dans une escapade mentale me transportant au bord de la mer où le bruit du ressac sur les rochers, les embruns salés sur mon visage et l'odeur iodée des algues séchées,m'isolaient de la foule qui m'entourait. Je voyageais dans les souvenirs à l'époque de mes huit ans environ et j'entendais distinctement des hommes, torse nu et couverts de sueur, scander: " Oh, hisse! Oh, hisse! " pour encourager leurs efforts servant à ramener pas à pas le grand filet sur la berge. C'était une fin d'après-midi d'été, le soleil couchant dansait sur le miroir de l'eau devenu calme, le vent venait de s'essoufler, des cris d'enfants jouant sur le terre-plein du stade Marcel Cerdan me parvenaient, la chaleur étouffante ajoutait à la pénibilité de la scène qui se déroulait devant moi. J'avais cessé de pelleter le sable humide qui engloutissait la caresse des vagues tièdes qui mouraient à mes pieds; j'étais émerveillé par le spectacle humain auquel j'assistais: des pêcheurs au visage émacié, les muscles tendus par l'effort et le corps reluisant dans la pénombre qui s'installait, tiraient le "boulitch" sur la plage des Bains de Chevaux à Bab el Oued. A l'approche du bord, les bouillonnements à la surface accéléraient et amplifiaient la surprise et l'attente d'une pêche miraculeuse sous le regard figé des badauds dont je faisais parti. Ces ouvriers de la mer, bien souvent habillés de guenilles, déclaraient après coup que la pêche d'antan de leurs parents était plus prolifique sur cette même plage. La vente s'effectuait sur place et le plateau de la balance romaine avait du mal à remplir son office: le poisson encore vivant s'échappait de toute part. Un tri des espèces par qualité marchande se faisait à la hâte dans des couffins en paille tressée et en quelques minutes tout était vendu. Les familles venues de la Bassetta ou des Messageries, fervents amateurs de poisson, s'en retournaient avec une friture dont l'odeur reste incrustée à jamais dans ma mémoire olfactive.

Rivé dans ces souvenirs, mon numéro a été appelé, je ne l'ai pas entendu, j'ai perdu mon tour. Aucun regret, j'étais plutôt exalté de cette escapade d'enfance à Bab el Oued où les poissons, à l'image du peuple qui habitait le quartier, représentaient toutes les espèces du bassin méditerranéen, portant des noms uniques que je n'entends plus, des noms qui n'existent plus, des nom inventés par nos anciens.

Chers amis de BEO, vous souvenez-vous du lexique de mots qui définissait les poissons de chez nous ? A vos mémoires: " tchelba, tchelbine, allatche, blaouète, spardaillon, demoiselle, palomète, sarhouèle, colonel, trois-queues, videroi, baveuse, cabote, bazouk, bouznin, pataclet, manfroune, tchoukla, mandoule, racao, sépia, badèche, galinette, vache, charbonnier, djouza, chien de mer, serre, chadi, tchoutch. Le calmar s'appelait calamar. D'autres appellations du milieu marin: cochon de mer, boudin ou zeb de mer, chat de mer, haricot de mer, arapède, chevrette, coucra, scoundjine, pastéra, bromitch, bromitcher, pêche au batti-batte, pêche à la rounsa.

Le quartier comptait de nombreux passionnés de la pêche qui passaient leur journée de loisir sur les blocs du Stade Cerdan, sur les rochers du Petit Chapeau, du Petit Bassin, des Deux Chameaux ou du Parc aux Huitres avec un roseau qu'ils avaient coupé en bordure de l'oued M'Kacel ou dans la campagne Jaubert. La partie haute du roseau où se situe le plumet servait à la fabrication d'une sarbacane: le canoutte, tandis qu'après séchage au soleil sur le balcon, le roseau choisi devenait une canne à pêche efficace. Quelques oursins concassés dans un seau avec du sable fin ou une pâte faite d'un mélange de mie de pain et de camembert coulant et puant servaient de bromitch ou d'appât. Il était péché de jeter du pain dur à la poubelle, mais pêcher avec ce pain perdu était une pratique courante. En général, les appâts pour la pêche étaient le fruit de la débrouillardise: des petits "caracolès" ramassés dans les buissons des carrières Jaubert, des moules cueillies dans les failles des rochers, des verres de terre sortis du champ d'Ali rue Léon Roches, des vers de mer extraits de leur tapis de mousse avec une calotte de feutrine contenant du bleu de méthylène, des puces (coucra) et des chevrettes que l'on faisait à l'abri des vagues à l'aide d'une lampe électrique.

Je remercie par avance les ajouts qui pourraient être apportés pour redonner vie à la langue de chez nous.

André TRIVES

A Guy SOLTANA et son épouse

Ce magnifique poème qui nous fait parcourir les rues du quartier ne peut pas nous laisser indifférent. Il est magnifique de vérité. Mais si je suis boulversé par cet écrit c'est surtout parce qu'il est écrit par une Alsacienne née dans les brumes de l'Est, son épouse, qui n'a jamais vécu à BEO. Je crois connaître comment cela est possible: c'est tout simplement l'immense amour qu'elle porte à son tendre et "fragile" GUY. Je dis "fragile", car nous sommes tous comme lui, blessés à jamais par l'histoire injuste que nous avons subit dans notre jeunesse. Et le miracle de l'amour a fait que l'Alsacienne, telle une éponge, a capté les émotions de son homme humilié par le destin pour restituer sa douleur. Quelle magnifique leçon donnée par la fille de l'Est et l'enfant de BEO: ils nous redonnent espoir dans les valeurs humaines. Merci, au nom des frères et soeurs de Bab el Oued, continuez de nous faire du bien à l'âme et au coeur.

Fraternellement Vôtre

Guy SOLTANA

Après le très bel hommage rendu par André Trives à tous ces merveilleux petits commerçants de BEO, je prends la suite des souvenirs avec ce poème, toujours écrit par mon épouse.

Ma rue, mon quartier.

La rue de ma jeunesse et celle de mon coeur

Est restée tout là-bas écrasée de chaleur

Elle danse dans ma tête, habillée de lumière

Remplie de cris d'enfants et de gens ordinaires.

La rue de mon enfance est celle des copains

De mes belles années et du premier béguin

Celle que j'ai quittée, la laissant à son sort

Y penser seulement et mon coeur bat plus fort.

Et je ferme les yeux et murmure son nom

Ce nom mélodieux qu'est celui de Mizon

Avec la rue Suffren et Vasco de Gama

Elle fut le témoin de nos jeux d'autrefois.

C'était notre quartier au goût de paradis

Et la Cour des Miracles en était le parvis

En étions nous les anges ou bien les garnements ?

Qu'importe, nous vivions heureux et insouciants.

Ô oui je voudrais tant retrouver mon quartier

Ma rue et mes amis, l'enfant que j'ai été

Jouer aux osselets ou à la boléra

A seven ou aux tchapes et à fava-vinga.

Entasser les noyaux et les viser debout

Taper dans la pelote, l'envoyer dans l'égout

Tenter acrobaties sur l'unique patin

Rouler en carriole et faire le malin.

J'aimerais parcourir ma rue de bas en haut

Grimper les escaliers au trot et au galop

Me faire des frayeurs dans la maison fantôme

Et ne rien laisser voir, prouver qu'on est un homme.

Oublier les devoirs, ils attendront demain

A grands coups de sifflets appeler les copains

Leur lancer des cailloux, passoire sur la tête Casque des valeureux, jurer en patatouète.

Nous avions tous dix ans, un peu moins, un peu plus

Nous aimions ce quartier, cela de plus en plus

Nous aimions cette vie tous les jours un peu plus

La joie, l'exubérance et aussi beaucoup plus.

Et viennent les vieux jours, les rides et encore plus

Ils me mènent tout droit, direction terminus

Bercés du souvenir de ma rue et de plus

Quand nous avions dix ans, un peu moins, un peu plus.

A mon cousin Serge

À tous mes copains du quartier qui se reconnaîtront :

Riri

François

Jean-Pierre l'Australien

Norbert

P'tit Jean

Marco

Alain

José

P'tit Pierre

Michel

Francis

et aussi à tous ceux qui reconnaîtront leur enfance à travers ces quelques vers.

André TRIVES

Les petits commerçants de Bab el Oued

En hommage à mes perents, je voudrais remettre en lumière ceux que l'on appelait "les petits commerçants de BEO". De l'épicier au laitier, du cafetier au marchand de vaisselles, du droguiste au charbonnier, du boulanger au charcutier, du coiffeur au tenancier du "bain maure", de l'échoppe enfumée par les beignets arabes de Blanchette à TAGO, le vendeur itinérant de calentita, les rues du quartier embaumaient d'odeurs inoubliables chaque matin. La particularité de cette époque c'est que l'on trouvait des ateliers de réparation et de réfection en tous genres: on réparait une TSF, un transistor, un réveil ou un fer à repasser, on remettait à neuf un matelas de laine par rendez-vous sur la terrasse de l'immeuble en convoquant le matelassier, le rempailleur de chaises rxerçait son talent sur les trottoirs, les femmes faisaient stopper à la boutique de la remailleuse leurs bas filés, tandis que le cordonnier dans un capharnaüm de chaussures en détresse, ressemelait à longueur de journée celles "qui avaient faim". Il faut dire que le prix accordé aux choses et aux vêtements en particulier avait de l'importance; on jetait à la poubelle que ceux qui ne pouvaient se réparer. Autre particularité, il y avait de nombreux artisans qui exerçaient à leur domicile et compte tenu de la réputation qu'ils avaient, le quartier décernait le titre de notoriété absolu en les nommant:"roi" de leur métier. Ainsi, ROMANO, le "roi du chocolat" à la cité des HBM,rue Picardie, nous éblouissait par ses créations en cacao lors des fêtes de Pâques et de Noël. Le dimanche matin, il y avait la cohue dans le fournil situé en sous-sol rue du Roussillon: le "roi du mille-feuille" donnait en spectacle sa préparation avec une dextérité remarquable; il alignait les plaques sorties du four, crémait, glaçait, décorait et découpait la pâte feuilletée légèrement grillée et gorgée de crème patissière, sous le regard figé d'une foule de gourmets enivrée du parfum suave qu'elle respirait à pleins poumons en attendant d'être servie. Le "roi du nougat" c'était Manolo, un natif de la région d'Alicante, qui faisait saliver les habitants de son immeuble avec l'odeur des amandes d'Espagne qu'il grillait dans le plus grand secret; alors l'alchimiste du plaisir donnait naissance à un "torron" dur ou mou qu'il enveloppait amoureusement dans un papier cellophane: c'était décembre et les fêtes de fin d'années étaient toutes proches. Les coutumes sont comme les tics, on ne peut jamais sans défaire. On trouvait également à domicile de nombreux tailleurs et couturières qui débordaient d'activité au moment des fêtes pour habiller les enfants, mais aussi pour préparer une communion ou un mariage. Je ne peux oublier le " roi du pantalon" rue Picardie: Georgeot Bensimon, un personnage extraordinaire et plein d'humanité décédé à Marseille loin de son quartier qu'il aimait par dessus tout. " Georgeot, te souviens-tu d'un couscous au Hasban que ta maman nous avait servi à ta demande et de cette sépia au noir que l'on avait saucé sur le carrelage du club de volley des HBM parce que malencontreusement la marmite avait culbuté sur le sol. C'est toi, qui m'avait appris un jour que pendant la guerre tous les juifs de France et d'Algérie avaient été renvoyés de leur emploi seulement parce qu'ils étaient juifs; tu avais alors changé pour toujours ma vision sur les idées reçues. Permets-moi de terminer avec l'humour qui caractérisait le grand coeur que tu étais lorsque dans un sourire éclatant, tu lançais : " tu prends ton bain Simon ".

Certes, tous ces petits commerçants n'étaient certainement pas les plus à plaindre par rapport à l'échelle sociale; sauf que pour eux, une journée de travail durait allègrement entre douze et seize heurs non stop, qu'ils recevaient la clientèle sept jours sur sept et qu'ils ne prenaient jamais de vacances; on peut facilement comprendre que leur situation n'était enviée par personne.

Mais, qui étaient-ils ces petits commerçants ? Des privilégiés ayant hérités de fortunes familiales ? Des grandes familles qui suivaient une tradition bourgeoise ? Des nantis qui investissaient des avoirs spéculatifs ? Des riches bénéficiant de la bonne grâce des banques ? QUE NENNI, la grande majorité des petits commerçants de Bab el Oued étaient tout simplement le ....... ( VOUS LE SAUREZ PROCHAINEMENT DANS CETTE MESSAGERIE) André TRIVES

Les petits commerçants de Bab el Oued

(SUITE du texte paru le 6 novembre 2008 et qui terminait par la question suivants:" Mais qui étaient ces petits commerçants ? ")

La grande majorité étaient tout simplement le produit de la crise économique et du chômage qui avaient sévi dans les années 1929-1936 où le "tube" à la mode était "l'Internationale" et la couleur préférée de tous le rouge car le quartier, comme un seul homme, était communiste. C'est bien ici à Bab el Oued, que fut fondé en 1937 le journal "Alger Républicain" dont Albert CAMUS, fils de parents illétrés, fut journaliste l'année suivante. La récession économique dans cette période créa un marasme sans précédent et nos jeunes parents connurent les pires difficultés pour nourrir leur famille. Le marché, vivier des ménagères d'ordinaire exubérant, traduisait une ambiance morose où toutes les conversations tournaient autour de la fermeture des ateliers de confection. Les couturières et les petites mains qui travaillaient à leur domicile se voyaient réduites à l'inactivité faute d'approvisionnement et rejoignaient leur mari déjà sur le carreau. Plus de pantalon à monter à cinquante sous la pièce et, nourrir sa famille était devenu un casse-tête de tous les instants. Les soupers pris à la lueur d'une lampe à pétrole se composaient souvent d'un bol de café au lait et de tartines de pain rassis; se coucher avec l'estomac dans les talons était le lot commun de chaque foyer. Plus de travail assuré pour tous, les petites entreprises familiales en faillite se multipliaient, plus de perspective d'avenir, seuls les petits boulots payés à l'heure étaient proposés. La Mairie d'Alger n'avait plus aucune peine à embaucher des journaliers qui formaient de longues files d'attente dès l'aube chaque matin, et à qui l'on confiait le débouchage et l'entretien des égouts de la ville. De nombreuses maladies affectèrent ces volontaires honteux qui arpentaient de jour comme de nuit le dédale des caniveaux souterrains à l'odeur pestilentielle parcourus par des meutes de rats. Le salaire de la peur leur donnait droit pour certains au destin malchanceux de contracter le typhus ou le choléra aux conséquences malheureusement radicales. Les veinards rentraient à la maison au petit matin et devaient se décrotter un long moment au savon noir dans la cuvette émaillée pour espérer faire disparaître l'odeur nauséabonde qui collait à leur peau. Compte tenu de leur aptitude en maçonnerie, les chômeurs du bâtiment se voyaient proposer du travail au cimetière de St Eugène où ils étaient utilisés dans toutes les opérations funéraires: creusement des tombes, exhumation, inhumation, exhumation et réduction de corps qu'ils accomplissaient à main nue.

D'immenses manifestations partaient de la place des Trois Horloges en direction du centre-ville d'Alger pour réclamer du travail et du pain. La détresse se lisait collectivement et les nouvelles déversaient par la TSF parasitée en provenance de France n'étaient pas encourageantes. Les chants du Carmen de Bizet avaient déserté les chaînes d'empaquetage à la main des cigarettes: les cigarières des manufactures de tabac Bastos ou Mélia avaient rejoint le flot des chômeurs qui touchait désormais toutes les familles. Malgré le soleil imperturbable destiné à donner un enthousiasme sans fin, des jours tristes et pour plusieurs années s'étaient levés sur Bab el Oued; même "Maria de Barcelone" ne résonnait plus dans le choeur des lavandières du lavoir de la Bassetta devenu silencieux.

Ah, si Emile Zola à cette époque avait vécu dans notre quartier !

Ainsi, les pénuries, les grèves de désespoir, les difficultés de tous ordres, une vie sans horizon vécue au jour le jour, un avenir totalement bouché, conduisirent bon nombre de nos parents à réfléchir sur un destin qui ne dépendrait plus dorénavant que d'eux-mêmes. En finir avec la dépendance d'un travail fourni par un patron si généreux soit-il,et désormais ne dépendre que de soi-même. Ainsi une page important fut tournée et de nombreux petits commerces et emplois à domicile virent le jour et donnèrent un peu d'espoir à ces laissés-pour-compte. Dans toutes les rues passantes on vit surgir des magasins dans toutes les branches d'activité, tandis qu'à domicile dans des espaces minuscules se créèrent des métiers qui répondaient au besoin de la population: coiffeuse, couturière ou laveuse-repasseuse par exemple.

Mes parents décidèrent de créer un magasin de vins et liqueurs au 4 de la rue des Moulins, à deux pas du marché, et pour faire un pied de nez à la pénurie qui sévissait, ils l'appelèrent:" Aux caves de l'abondance". On peut imaginer aisément le chemin de croix qu'ils eurent à entreprendre pour aboutir à leur projet. Sans économie et aucune garantie,la banque d'Alger comme toutes les banques ne prêtant qu'aux possédants, ils se résolurent au prêt d'un usurier ( à BEO avec la crise et la demande, le métier d'usurier était en pleine expansion); ainsi, la Régie Foncière qui gérait le parc immobilier des principales rues, consentit la location d'un local vétuste et abondonné que mon père avec ses mains de maçon expérimenté transforma en un magasin moderne et accueillant en s'investissant jour et nuit. C'est bien dans ces circonstances que les nouveaux petits commerçants abandonnèrent provisoirement le monde ouvrier pour lancer leur propre affaire à l'hypothétique réussite. Provisoirement dis-je, car certains y revinrent dans les années meilleures soit à cause de leur échec, ou pour cumuler les deux métiers devenus indispensable pour faire face aux conditions de vie qui désormais comptaient de nouvelles bouches à nourrir.

En 1962, alors que l'été continuait d'apporter le bonheur dans ce beau pays, ils durent quitter le commerce qui représentait toute leur vie; laissant rayons, étagères, vitrines chargées de victuailles et de marchandises. Ils pensaient revenir et retrouver leur clientèle qu'ils avaient servi pendant plus de 25 ans. Le destin en décida autrement...

André TRIVES

UN PEUPLE ASSASSINE

Ma mémoire aujourd'hui doit faire de gros efforts pour éclaircir la vase des ragots et des chimères qui s'épaissit avec le temps et finit par semer le doute. On éructe sur notre passé avec la tecnique de l'amalgame, on parle à notre place et on raconte notre histoire avec une méthode qui a toujours fait ses preuves: la calomnie. Pourtant, celle que j'ai vécue à Bab el Oued avant 1962 me semble tellement proche et semblable à celle partagée avec tous mes voisins qui étaient nés et vivaient dans le quartier depuis des lustres que je me dis:" On est nombreux à connaître l'exactitude sur cette vie humble que nous avons affrontée côte à côte; alors que le temps nous est compté, le moment n'est-il pas venu de témoigner ? Ce sont nos descendants qui en auront grand besoin un jour."

A Bab el Oued, l'arc en ciel qui a toujours fasciné le regard des enfants, n'avait pas beaucoup de chance d'apparaître dans le ciel de Sidi Benour ou les contreforts de la Bouzaréah; en revanche, tous les jours, il illuminait nos rues avec la beauté de ses différentes couleurs: italienne, kabyle, française, espagnole, mozabite, maltaise et arabe. Il suffisait d'entendre dans les classes chaque matin l'appel du nom des élèves pour se rendre compte que l'harmonie des différences se mettait en forme sur les bancs de l'école et que le destin commun à tous ne ressemblait en rien à celui des pays d'ailleurs; ici l'addition des pluralités cimentait de belles amitiés. Notre regretté Mohamed NEMMAS écrivait le 21 septembre 2005 sur ce site:" Nous sommes comme des Asterix quelques récalcitrants qui n'arrivent pas à en démordre de cette culture ( véritable patchwork d'italiens, espagnols, maltais, crétois) et la tchatche qui coule dans les veines des purs de BEO fait que nous sommes et seront toujours un "cru" très rare." Il voulait entendre par "cru très rare": un peuple unique en son genre.

L'échelle des valeurs qui s'imposait à tous était le dénominateur commun de toutes les cultures; qu'elle soit d'origine ouvrière, d'influence religieuse ou d'inspiration coutumière, elle attribuait le rôle essentiel à la famille. Dans ce quartier de l'époque où les métiers manuels pénibles dominaient, on percevait une grande dignité dans l'accomplissement du travail, dans le nom de famille qui se portait avec orgueil, et dans cette affirmation:" Grâce à Dieu, à la maison on ne manque de rien." Impossible de transgresser les références à l'honneur, à l'honnêteté, à la fidélité, à la politesse, au travail bien fait, au respect des anciens et de la hiérarchie, à la solidarité et à l'amitié sans que l'on se fasse traité de "falso", "d'artaille", de"falampo", ou de " ch'mata ben ch'mata". Je revois le visage des personnes qui animaient les scènes de mon quotidien,des petites gens, rien que des petites gens j'entends leur voix et j'ai l'impression qu'elles me réclament une juste étincelle de fierté en rappelant l'oeuvre modeste accomplie au cours de leur laborieuse destinée. Le film tourne en boucle avec le son d'un tango de Carlos Gardel qui déverse sa mélancolie et rappelle la rencontre des amoureux de la danse sur la piste de Matarèse à côté des bains Padovani. Combien de nos pères ont revêtu le costume cintré du dimanche avec chemise en popeline à col cassé et noeud papillon, tandis que nos mères encore jeunes filles, sortaient dans le plus bel apparat, gantées et chapeautées dans une robe longue fabriquée par leur mère, avec un col de guipure arborant une broche en or ou un camélia. C'était, avec le cinéma, et les spectacles de revues parisiennes présentaient sur la scène du Majestic, la distraction préférée du dimanche en matinée. Ils adoraient glisser leurs pas sur le parquet enfariné bercé par un air cajoleur de rumba. La fête s'installait au rythme d'un banjo effréné qui accompagnait la danse à la mode: le charleston. Puis s'enchaînait la série de valses musettes enlacés dans l'harmonie d'un accordéon qui les soûlait de virevoltes infinies autour de la piste. Et, lorsque la marche cadencée d'un passo-doble euphorisait la salle toute entière, c'était, avant tout, parce qu'elle leur rappelait l'Espagne de leur origine. Ils reprenaient leur souffle sur la terrasse qui surplombait la plage déserte, grillaient une dernière cigarette, le temps semblait suspendu pour l'éternité, un dernier fox-trot endiablé sonnait l'heure de la rentrée, il fallait déjà penser au travail du lendemain qui les attendait sur les chantiers dès l'aube, et renouer avec la brûlure des crevasses qui ensanglantaient leurs mains. Mais en attendant, ces jeunes filles et ces jeunes garçons transportaient d'enthousiasme se quittaient au crépuscule de la nuit qui se posait sur Bab el Oued, heureux d'avoir assouvi leur passion pour la danse à Padovani où, durant quelques heures, ils avaient mis entre parenthèses la dureté de leur quotidien.Ils se promettaient de se retrouver le dimanche suivant.

Tous nous avons eu une enfance entourée d'affection et choyée par des parents qui trimaient pour accorder un mieux à la condition ouvrière des années d'après guerre. Eux aussi n'avaient-ils pas été en leur temps de turbulents "dimoni" gâtés et aimés par nos grands-parents, des immigrés venus de la misère des quatre coins de notre "mare nostrum" pour espérer donner un avenir meilleur à leur famille ?

Les jours de fête religieuse, à l'occasion de l'Aïd, de Kippour ou des Rameaux, une grande liesse s'emparait du quartier où toutes les attentions se portaient sur les enfants qui avaient le rôle principal. Ils étaient habillés sur leur "trente et un" et jouaient sans le savoir la plus belle parade de l'innocence qui aurait pu s'intitulait:" Amour et Fraternité ". Avec une mimique juvénile pleine de candeur, des rubans multicolores noués dans les cheveux des filles qui ressemblaient à des poupées de collection,elles parcouraient les rues du quartier en tenant la main de leur frère en veste et culotte courte avec mi-bas, le visage dégoulinant de brillantine et de gomina. Ainsi, les rues de Bab el Oued sentait le jasmin, le "rêve d'or" ou l'eau de cologne de la parfunmerie Zaoui. Etre juif, musulman ou chrétien, la joie venait de tous et tous s'appliquaient à la répandre. L'assiette de gâteaux traditionnels offerte à ses voisins symbolisait l'esprit de famille qui nous reliait les uns aux autres. Ces souvenirs encore vivaces en moi peuvent paraître puérils, il n'en demeure pas moins qu'ils m'ont guidé toute ma vie à rester un homme fier de ce passé que nous avons vécu ensemble. J'ai toujours porté respect et reconnaissance à tous ceux, sans distinction, qui ont engendré dans l'amour les générations qui se sont succédées avec le sentiment qu'ils avaient accompli du mieux qu'ils pouvaient leur dessein: bâtir une famille et donner à leurs enfants un avenir meilleur comme leurs grands-parents l'avaient fait en leur temps pour eux-mêmes. Dans toutes les époques, lorsqu'on voulait expliquer sociologiquement BAB EL OUED, la porte de l'oued M'kacel, on y précisait:" quartier populaire et ouvrier à l'ouest d'Alger où toutes les communautés vivent ensemble du manoeuvre au technicien, du fonctionnaire au petit commerçant". Pour tous ces manoeuvres, ces techniciens, ces fonctionnaires et ces petits commerçants, qui étaient nés dans le quartier et qui ne l'ont quitté que pour aller se reposer définitivement aux cimetières d'El Khettar et de Saint-Eugène, j'éprouve une grande fierté de les remettre à l'honneur un demi siècle plus tard.

Un peuple nouveau était né de ce magnifique arc en ciel, il était unique en son genre; il a été réduit au rang de souvenir qui inéluctablement disparaitra avec la disparition des témoins que nous sommes.

Merzak TAMENE

Qui était Mr LIEVIN ?

Tous les anciens de Sigwalt, se souviennent de Mr Liévin Georges. Instituteur de la " vieille école " il avait l'art de maitriser la pédagogie, l'enseignement, et la camaraderie réunis.

Tout le monde avait droit à un surnom aproprié. Surnoms que l'on utilise entre nous 50 ans plus tard. Il aimait faire des rondes en voiture autour des Messageries la veille des compositions, pour noter les noms de ceux qui "trainaient" dehors, et le lendemain, ils avaient droit à une phrase pleine d'humour et d'ironie ( salut Sauvin, Pacifico, Montiel et tous les autres...)

Such se souvient d'une certaine calbote, Balzano et moi même d'autre chose, et Adam, toujours impeccable, d'éloges mérités, sans oublier Garcia.

Grand sportif, il nous a pratiquement initié au Foot, au Hand, et au Basket-ball. Une parfaite harmonie entre enseignant et elèves. Habitant le quartier,il était trés apprécié par les parents, et on le voyait souvent dans les rues de Bab El Oued, converser avec l'un ou l'autre.

Nous gardons tous un trés bon souvenir de cet homme.

Aprés 1962, il a tenu le magasin " prêt à porter " Gentlemen, rue Michelet, pendant quelques années. Ensuite, une apparition à Paris, et depuis plus rien. Disparu...Croyait-il.

Une bande de garnements ont remué ciel et terre pour le retrouver. Et ils ont réussi. Merci à Bachir, Balzano, Garcia, Mélé et tous les autres pour leur tenacité.

Mr Liévin, je tenais simplement à vous dire que vous faites partie d'une génération qui nous a aidé et éclairé pendant notre enfance, et nous ne pourrons jamais vous remercier assez.

Bonne journée à toutes et à tous.

Tamene Merzak.

Liliane DOMENECH

Merci à André TRIVES pour son message "solitude inexistante à BEO".

Eh oui tout celà n'existe plus et même si on était restés là bas ce serait un peu pareil.

Les télévisions ont stoppés les conversations à table, les veillées où on se racontait des histoires ou tout simplement ce qu'on avait fait dans la journée.

Je me souviens de l'été quand il faisait très chaud, on allait avec nos parents à la place Dutertre sous le regard de Musette. On jouait à cache cache, super le soir dans les bosquets.

J'ai essayé d'apprendre à mes petits fils à jouer aux tas avec les noyaux d'abricot. OUALO ! Au bout de 5 mn ils se sont remis sur la play-station, vedette, et ordi...

Mon mari leur a confectionné un tour de France cycliste en bois avec des cases plates et avec des cols. C'était tellement bien fait que ça aurait pu être commercialisé. Kif kif, on déballe, on joue 5 mn et on se remet sur les jeux électroniques.

Nous on jouait dans la rue, les garçons aux carioles, tachps, billes et les filles asvec les patins à roulette à faire le tour du quartier. C'est sur que maintenant on ne pourrait pas le faire non plus à BEO car avec le progrès on aurait suivi et tout le monde aurait sa voiture, sa télé, sa chaîne et les enfants tous ces jeux débiles.

Même si la vie était plus dure, je ne sais pas si mes enfants et même mes petits enfants ont eu une jeunesse plus belle. Je me rappelle des vacances et des regroupements de la famille au climat de France chez mes grands parents. J'en ai encore plein de souvenirs précis et magnifiques.

Ainsi va la vie.

Liliane

André TRIVES

LA SOLITUDE: ça n'existait pas...

Dernièrement, je lisais bien calé dans le fauteuil douillet du salon, un article de journal faisant état triomphalement de la "journée des voisins"; une journée de rencontre et de conviviabilité autour d'une collation réunissant les habitants de chaque immeuble de France dont le réel exploit est de s'ignorer 364 jours par an. Le mot "voisin" a fait jaillir en moi une tranche de vie enfouie dans la malle aux souvenirs estampillée "Bab el Oued". Comment pouvais-je avoir conservé à l'esprit des sentiments affectueux pour les mémés et les pépés qui vivaient dans l'immeuble de mon enfance alors que le monde impitoyable d'aujourd'hui nous suggère que le placement immobilier le plu approprié est celui qui consiste au placement de nos anciens en maison de retraite. Et que dire de cet anonymat collectif qui se perpétue dans les grands ensembles où, barricadés derrière une porte blindée, les braves citoyens adeptes du presse-bouton sombrent dans l'isolement et l'exclusion alors que la société se reproduit en mitoyenneté, à quelques mètres les uns des autres, empilés au-dessus et en dessous, se manifestant à leur voisinage par des bruits exaspérants: le son tardif d'une télé, les basses lancinantes d'une sono, le ripage d'un meuble sur le carrelage, les éclats de voix d'une querelle familiale, l'écoulement d'une chasse d'eau annonçant à tous les étages l'évènement libérateur qui vient de se dérouler.

Je me sens totalement différent en ressuscitant les images de mon enfance et en évoquant ces lieux de plaisir qui réunissaient chaque jour les parents, les copains, les voisins et voisines; on se retrouvait sur le palier, dans le hall d'entrée, à la terrasse, "en bas la rue", sur le trottoir d'en face, sur la placette aménagée en terrain de foot, derrière l'église, au marché chaque matin, avenue de la Bouzaréah en soirée, à la buvette des clubs sportifs et des stades, dans les nombreux cinémas du quartier, sans parler de la cour de récréation des écoles qui nous garantissaient une vie en commun pour plusieurs années. Ma conviction se confirme: à Bab el Oued la solitude n'existait pas.

Comme un théâtre, la rue était en représentation permanente avec des scènes très méditerranéennes qui donnaient au quartier sa véritable personnalité: les cris d'enfants haletants derrière la course d'une carriole montée sur des roulements à billes, des femmes assises sur les bancs de pierre de la place Lelièvre cramponnées nerveusement au souffle d'air d'un éventail en pleine conversation, une foule endimanchée accueillant avec des poignées de riz, la sortie des mariés sur le parvis de l'église St Joseph sous une volée de cloches assourdissantes, les danseurs du désert et leur rite de castagnettes métalliques appelant la pluie sous un soleil de plomb, les vociférations des passionnés disputant une partie de "mora" devant des spectateurs avertis et enthousiastes, les joueurs de bonneteau méfiants et malicieux prêts à détaler à la vue d'un képi, le vendeur de "kikilomètre" léchant son caramel pour mieux servir sa clientèle juvénile plantée à ses basques, le marchand d'zhabits et son troc de casseroles, ployant sous un énorme baluchon, des badauds disposés en cercle sur la place de l'Alma attentifs à la démonstration d'un camelot ventant la performance de la dernière invention du siécle: le moulin à café électrique, les cagayous de la Bassetta disputant ardemment une partie de boules sous le regard de Musette à l'ombre des ficus de la place Dutertre, les bourricots du square Bresson ramenés chaque soir par monsieur Chiche aux écuries de la rue du Dey, les "Routiniers de Bab el Oued" et leur mandoline répétant un concert rue Cardinal Verdier et soulevant l'admiration des passants dressés sur la pointe des pieds, les clairons et les tambours de la clique de l'Orphéon redoublant d'intensité sous la direction du Major à leur retour rue du Roussillon sous les applaudissements des familles sorties sur le balcon.

Des codes de bon voisinage s'étaient établis avec le temps, il était impensable de voir les fenêtres d'une voisine fermées après neuf heures du matin sans s'inquiéter de la raison; et compte tenu de la vie en commun que l'on partageait depuis des générations, il était normal de s'informer avec compassion du problème qui pouvait affecter l'un d'entre nous. Ainsi, on aidait une voisine seule et malade en lui faisant ses courses et en préparant son repas. Lorsque le film est presqu'achevé, comme à la sortie du Marignan lors de ces beaux moments d'enfance, les portes du cinéma s'entrouvrent quelques instants avant le mot "FIN" laissant entrer un air frais sans odeur qui me ramène à la réalité: c'était il y a bien longtemps, dois-je pour autant laisser la place à l'oubli? De nouveau j'ai toute la descente de l'avenue Durando pour commenter les images de la pellicule gravées à l'encre indélébile dans ma mémoire ancienne, parfois en couleur et souvent en noir et blanc. Une force pétille dans mes yeux et semble être déterminée: celle de raconter la vraie vie de nos parents à Bab el Oued où la solitude n'existait pas.

HSAMBUCHI

Nostalgie joyeuse!

A l'occasion d'une réunion de famille,pour un repas de fêtes...Les Mères et tantes...toutes affairées a nous préparer de succulents petits plats!....demandérent aux garçons les plus grands (12 ans),d,aller chercher,chez le boulanger,un immense plat de gratin de pommes de terre,qu'on lui avait confié pour la cuisson!.....C,était l'hiver ,il faisait nuit,il avait plus...Voila donc nos lascars ,habillés,l'un d'un imperméable tout neuf!...l'autre d'un pardessus,également étrenné pour les fêtes!...chantants!..sifflants!..faisant des mimiques aux passants!....le plat toujours porté par des mains agitées!!!..il faut dire que ce n'étaient pas des enfants trés calmes!!!..c'est le moins que l'on puisse dire!....aujourd'hui,on les taxerait..d'hyper actifs!.....les voila sur le trottoir,balançant le plat.....SOUDAIN!...au beau milieu de la chaussée,une boite ..la tentation était trop forte!..pensez-vous pour ces deux garnements!!!..quelle aubaine!!et vas-y...un coup de pieds par ci ,un autre par là!..a toi...a moi..et ceci jusqu'a la maison!....Toute la famille était autour de la table décorée de fleurs et de boules de NÖEL....tous en tenues de fêtes!...Ils rentrent dans la salle a manger...tout heureux de leur promenade ludique!...!!!!!C,EST ALORS QU'UN IMMENSE CRI RETENTI!!!!..TOUS SE LÉVENT DE TABLE...DES HURLEMENTS ,DES PLEURS ET LAMENTATIONS.........Ils avaient bien senti sur leur visage de l.eau...mais ils pensaient que c'était la pluie!!! ils se regardent...ecarlates des pieds a la tête!!!!!!puis ils partent d'un éclat de rire ..!et comprennent!..En réalité la boite contenait du MINIUM!...laissée par un peintre qui restaurait, les grilles d'une maison!...Inutile de vous dire que les vêtements furent definitivement perdus et bons a jeter!......Ils reçurent une bonne correction! et perdirent leur statut de commissionnaires....cela ne les vexa pas le moins du monde!....bien au contraire!..et les bétises continuérents...en cachette!........POINTE PESCADE 1942

HSAMBUCHI

Pensez-vous que l'on puisse oublier ceux qui ont traversé notre jeunesse?connus ou inconnus?..non, je ne crois pas!...nous les faisons tous vivre dans nos coeurs ou la pensée. Certains désirent revoir cette terre inoubliable!..d'autres hésitent a partir quelques jours....Tout ceci est possible...il suffit de fermer les yeux ...Sentez-vous les odeurs des citronniers ,des orangers..des jasmins..celle des eucalyptus de la fôret de Bainem ?!...le soleil sur la peau...!? le sublime parfum de la mer ..le bruit des vagues..!se brisant sur les rochers saillants!....les enfants s'appelant pour jouer?!....Entrer pousser .les portes de vos maisons ...rien n'est changé..tout est là!....les murs ,même eux ont une mémoire..rien ne peut effacer les images....vous seul en êtes détenteur!,personne pour prendre ces moments là...maintenant vous voila dans les rues ...les commerçants devant leur boutique ...les voitures qui klaxonnent ,pour un rien ..un conducteur incorrect...une belle fille qui passe!..tout pour la drague ..le rire ..la blague..le bonheur de vivre!!! Amis crois-tu que l'on saurait oublier les êtres qui ont fait...sans le savoir ..notre richesse de souvenirs!? ..Sans eux notre mémoire serai stérile! .....TOI..l'infirmière-chef de Barbier Hûgo..l'ange blond ,qui consolait les nombreux blesses! et nous les jeunes débutantes ,nous remontait le moral d'un mot encourageant !ET TOI.....jeune homme athlétique,que je croisais chaque jour suivi d'une ribambelle d'enfants!,me faisant un bonjour affectueux, de la main...ne m'adressant jamais la parole...et pour cause! je compris pourquoi,il y a peu de temps.... ON L'APPELAIT LE MUET!!!!!.ET TOI ....SHIRLEY la belle petite juive ! de la rue Larrey..aussi brune que son frère était blond! tu portais sur ta jolie tête!l'immense plaque de pizza a faire cuire chez le boulanger SANDRA...Es-tu partie pour ISRAëL,comme tu le désirais ?...ET TOI..L'homme qui habitait seul sur la terrasse du 60 Cardinal Verdier...lorsque les jeunes mères venaient a la buanderie pour la lessive...tu passais sans un regard ..juste un respectant la confiance que les maris lui accordaient,et dont il était conscient! ET VOUS...LES TROIS SOEURS ,toujours habillées de noir du deuil de vos parents..vous alliez chaque jour,vous recueillir sur leur tombes...Et toi..la belle jeune fille qui partie un dimanche..TOUTE PLEINE DE VIE ET DE JOIE , DANS TA ROBE DE VICHY...le sourire aux lèvres,heureuse d'aller danser au CASINO DE LA CORNICHE ..FAUCHÉE PAR UNE MAIN ASSASSINE!...ET TOI...le ténor en devenir!..l'amateur de bel canto...que nous entendions faire ses vocalises !....ET VOUS LES ENFANTS de toutes confessions,jouant avec les carrioles confectionnées de planches..courroies.. roulements a billes..que vous aviez récupéré de ci de là`...ET TOI...le petit gamin qui observait les souffleurs de verre ,pour la fabrication des ampoules du laboratoire,,,,tu passais la journée a les admirer ..parfois l'un deux ,te donnait un oiseau..un chat..un chien en verre délicat! pour ton sourire éclatant de plaisir et ton regard pétillant!...ET TOI ...le champion olympique d'escrime..YVES LAVOIEPIERRE..fauché par un stupide accident qui t'a réduit a l'immobilité constante!...ET TOI SYLVIE sa soeur si dévouée!....ET TOI...le beau coq du quartier!.enfourchant ta VESPA...DONT LE SEUL BRUIT DU MOTEUR SUFFISAIT A FAIRE BATTRE LE COEUR DES FILLES!..SAIS-TU QUE PARMI ELLES ,IL Y EN A UNE QUI EST DEVENUE UNE TRÈS BELLE FEMME !NOUS L'AVONS CROISÉ A PARIS ...QUEL CHANGEMENT!!JE CROIS QUE TU NE SERAIS PAS RESTER INDIFFÉRANT!....AMIES ET AMIS GARDEZ TOUJOURS LE BONHEUR DE NOS 20 ANS TOUT AU FOND DE VOS COEURS.....

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