Né à Bab El Oued - 1948 - ALGER

 

Bibliothèque des trois horloges

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Robert VOIRIN

Le : 06/01/2010 17:27

BONJOUR A TOUS

A vous bande de calamars boiteux,

Qu'est ce que je dirai pas pour vous rendre heureux,

Sinon vous donner une calbote amicale,

Que ça va sûrement pas vous faire mal,

A vous tous les fartasses, les guitches et les laouères,

Ceux qui allaient se taper le bain en bas la mer,

A tous les bouffeurs de cocas, mantecaos, zlabias,

Bliblis, roliettes, mounas, makrouds et calentitas,

A ceux qui dégustaient les brochettes à Fort de l'Eau,

A ceux qui tapaient cinq, à tous les falsos,

Aux buveurs d'anisette avec kémias,

A ceux qui faisaient sans arrêt l'avenue de la Bouzaréah,

A tous les falempos qui mentaient comme des voleurs,

A tous ceux qui ont fait le bras d'honneur,

Et ceux qui trichaient aux tchics tchics,

Ceux qui faisaient la chaîne au Majestic,

Ceux qui tiraient le fer au cassour, à tous les kilos,

A ceux qui, comme moi, tapaient cao,

Ou soit disant maqua hora,

Ceux qui jouaient aux tchalefs ou au tas,

Ceux qui ont fait, les pôvres, figa ou tchoufa,

A ceux, que quand ils partaient on aurait dit qu'ils revenaient,

Aux anciens de BAB EL OUED, d’El BIAR, de BEN AKNOUN,

A mes voisins de la rue MICHELET et de la rue d’ISLY

A tous ceux de notre ancien " paradis "

A tous ceux là,

En pensant à ceux que j'aimerais qu'ils soient toujours là,

Je souhaite que cette nouvelle année vous apporte le bonheur,

Et surtout que cette purée de santé elle vous laisse pas tomber

ROBERT VOIRIN

Monique BALDACCHINO

Le : 02/01/2010 18:46

Ceci n'est pas de moi, mais de Lynda, j'ai trouvez ceci tellement beau Lynda que j'ai voulu le faire partager à tout les enfants de BAB EL OUED

Merci et tout mes voeux

Une pensée pour nos "Vieux", qui sont là-haut, à nous "mater" et faire attention que la bouteille de Cristal ne descende pas trop vite, pour le selecto ils ferment les yeux, et voir si on abuse pas des tramousses , des bliblis, des fèves au "Koumoun", de la soubressade "mahonnaise", des boutifars, des formadjades, des petits pâtés, et du reste.

Comme on aimerait bien qu'ils soient là avec nous autour des grandes tablées d'avant, à attendre minuit pour mettre les cadeaux dans nos souliers, bien des fois pendant les années de "guerre", ils se privaient pour nous choyer, et pourtant les temps étaient durs, mais nous avions toujours un petit quelque chose dans les savates ou les espadrilles.....même si en cours d'année on avait pris quelques botchas et deux ou trois coups de pieds au cul, ce jour là tout était remis à zéro, et beaucoup d'entre nous accepteraient encore des calbotes rien que pour

le plaisir d'avoir nos "Vieux" à coté de nous

Michèle VERNET TOZZA

Le : 01/01/2010 03:01

Me revoilà sur votre site Christian car je veux souhaiter une bonne année à tous nos compatriotes.

Je leur souhaite la meilleure année possible en priant pour que tous leurs voeux se réalisent.

Je suis solidaire de tous les gens de BEO, habitant jadis, 1, rue Réaumur puis ma famille rue Cardinal verdier et ma grand-mère au 10, rue Réaumur.

Nous sommes de vrais babélouédiens.

Qu'une entente parfaite aussi se manifeste entre tous les sites. Cela est important pour tous.

Il faut se serrer les coudes et non se détruire.

Que Notre Dame d'Afrique veille sur ses enfants des deux côtés de la Méditerranée.

Je dois vous dire que ce soir j'ai eu la joie de retrouver des voisins et amis du 10, rue Réaumur grâce à votre site, Christian.

Merci pour ce que vous faites depuis des années....

Quelle émotion j'ai eue lorsque j'ai reçu un e-mail de ces personnes que je côtoyais tous les jours à BEO.

L'année se termine bien pour moi et l'amitié a dominé ce soir...

Re bonne année à tous et portez-vous bien. Michèle

Robert VOIRIN

Le : 29/12/2009 22:04

BONNE ANNEE 2010

Qu'est ce que j'aimerai que tous ensemble on se réunisse joyeusement,

on serait tellement nombreux qu'il nous faudrait la Place du Gouvernement,

de partout on arriverait fissa, et tout notre cher Bab el Oued se retrouverait

dans un grand mouvement pour la fêter cette purée de nouvelle année !

On dévalerait de la Bassetta ou de la Rampe Valée,, on accourerait de Nelson,

des Messageries, des Place Lelièvre et du Tertre, de la Consolation,

de la Cité Picardie, des jardins Marengo ou du square Guillemin

on se presserait depuis les rues Mizon, Camille Douls ou des Moulins

des rues Leon Roches, Réaumur, Montaigne et Rochambeau,

on viendrait en courant des avenues de la Marne, des Consulats, Malakoff et Durando,

des boulevards de Champagne, de Provence, du Pitolet,

de Padovani, de la Caramoussa, ou du Marché,

enfin de tous ces lieux qui faisaient de notre grand quartier

un paradis si populaire et plein d'humanité.

Alors, au milieu de la Bouzaréah, autour de nos Trois Horloges on se rassemblerait

et ma parole on s'éclaterait dans un ramdam de joie et de fraternité

même si on commençerait à devenir un peu ouellos, mais pas encore des babaos

car on garderait le moral dans ce monde qu'il ne serait pas toujours beau.

Mais aïe aïe aïe je suis de gaz ou quoi, qu'est ce qui se passe,

j'ai comme des blis blis dans la tête, tout ça c'est encore des tchalefs, mais rlass,

j'arrête, car c'était un rêve qui trottait sous mon capéo et que je voulais vous raconter...

Aujourd'hui par la pensée on va essayer de se rassembler pour se la souhaiter cette bonne année,

aussi, à vous tous les Immortels de Bab El Oued je vous présente mes voeux de santé et de bonheur,

vinga que ça continue soua soua, et pourvu que la Mémoire de notre quartier reste dans nos coeurs.

André TRIVES

Le : 21/12/2009 11:01

NOEL A LA PLACE LELIEVRE

Souvenez-vous mes amis de ces moments impérissables d'enfance...

Les galoches étaient soigneusement alignées devant un somptueux sapin tout illuminé. Mille guirlandes brillaient de branche en branche avec une bougie en équilibre à l'extrémité chargée de neige. L'âtre de la cheminée rougeoyait de braises incandescentes et entretenait une chaleureuse fraternité. Les bûches crépitaient sous le regard ébloui des enfants. Des monticules de cadeaux multicolores cachaient leur surprises dans l'attache d'un ruban rose bonbon. La neige tombait en abondance et couvrait les toitures en pointe des maisons. Un chariot tiré par quatre rennes souriants faisait sa tournée et nous donnait l'espoir que le Père Noël ne nous oublierait pas. C'était ça, notre noël à Bab el Oued, tous les mois de décembre, lorsque notre maîtresse, Madame Winckler sortait du porte-carte rangé au fond de la classe, la gravure qui allait servir à notre leçon de vocabulaire. Devant notre surprise d'un tel décor enneigé, elle nous précisait que cela se déroulait ainsi dans le nord et dans les montagnes. Nous avions du mal à comprendre car nous aussi on habitait dans le nord mais de l'Afrique, et nos montagnes s'appelaient Sidi Bennour, Bouzaréah ou Notre Dame d'Afrique. Chez nous, nos galoches c'étaient des "Tchanglès" et Noël se passait au balcon. Parfois la neige recouvrait les rues pour quelques heures, Bab el Oued grelotait par surprise, et les maudites engelures contractées dans la cour de l'école nous faisaient souffrir au retour dans les classes, les mains coincées entre les cuisses gelées.

C'était il y a 60 ans, et je glisse toujours mes doigts entre les cuisses lorsque j'ai froid, comme je le faisais à l'école de la place Lelièvre quand j'avais 10 ans.

André TRIVES

Le : 20/12/2009 16:42

Noël à Bab el Oued

Les vieux parents que nous sommes, avons du mal à digérer la quantité de jouets offerts aux enfants d'aujourd'hui pour les combler. Dans les années cinquante la hotte du Père Noël n'était pas en surcharge lorsqu'elle arrivait au pied de notre lit. Un seul jouet par enfant, une orange et quelques pralines suffisaient à nous combler. Seulement voilà, nos ancêtres avaient inventé l'Art du Rien, en pratique toute l'année, pour que nos amusements ne manquent de rien. Il était donc normal de mettre en scène nos distractions et de les partager avec les copains "en bas la rue". Ainsi, tout partait de récupérations d'objets les plus hétéroclites et le savoir-faire, initié par les grands, nous amenait à réaliser des jeux et des confrontations inoubliables. De plus, ils s'accordaient avec les saisons et se répartissaient au long de l'année. Noyaux d'abricots, boîts d'allumettes, terre "anglaise", capsules de soda, roulements à billes, vieux chiffons, papier journal, ficelle, roseaux coupés à la carrière Jaubert, toupie avec gangui de fabrication personnelle, des billes en agate spéciales " tuisse et bit et pam", constituaient notre matière pemière. S'ajoutaient des jeux collectifs comme " Fanfan vinga", " tu l'as", "chat perché", "délivrance", "sotte mouton" pour les garçons, la corde à sauter, la marelle, bleu-blanc-rouge et "mère que veux-tu?" pour les filles.

C'était il y a soixante ans, et c'est toujours comme hier...

AUTUORI Auguste

Le : 09/12/2009 22:13

Et voilà les fêtes de fin d’année arrivent, avec pour moi toujours la même nostalgie, Enrico l’a si bien chanté « Souviens-toi des Noël de là-bas », tout le quartier était en effervesance, les GRANDS complotaient, les petits attendaient avec impatience le soir Fatidique, et les cadeaux.

Pour nous dans notre quartier « LES MESSAGERIES » ou « LE QUARTIER DES ITALIENS « il nous fallait «LES PATES A LA COULADOUR », et après s’en suivait le jeu du petit paquet, vous vous en rappeler ? Avec les cartes italiennes, on faisait plusieurs petits paquets, il fallait miser sur un paquet, et celui qui tenait la banque disait avant la mise :

« MISEZ GROS A LA MAISON DU PETIT NEGROS », bien sur le gagnant au petit matin devait acheter les croissants, malheur à celui qui s’endormait, au réveil il était sur d’avoir le visage noirci, résultat du bouchon brulé.

TOUTE LA FAMILLE était réuni chez la Grand-Mère, la fête durait au moins deux jours, et souvent recommencer pour le jour de l’An.

On n’avait rien, on était simplement riche de l’AMOUR.

Voilà, comme l’on dit maintenant une fête de plus, une fête de moins.

Comme tu me manques BAB El OUED.

Babalouedement.

Michel SUCH

Le : 27/11/2009 17:16

à Liliane.

A chacun sa madeleine de "proutt". Pour moi, Madame Nivart c'était les montagnes de morues séchées, les barils d'enchois au sel et les tubes de coco. Madame Nivart... Combien de fois je me suis senti cagueux avec la bouteille d'huile qu'il me fallait faire remplir à crédit. Parfois l'attente était longue mais je repartais toujours avec ma bouteille d'huile d'olive remplie ou le morceau de pain de sucre. C'est vrai aussi que ma grand-mère maltaise, vous savez??? Angèle, celle qui soignait les coups de soleil et l'infite... C'est avec cette huile d'olive, que de temps en temps, elle frictionnait le ventre de Madame Nivart pour la soulager de je ne sais quel mal. Quant aux pains de glace, c'était ma hantise. Envellopés dans du papier journal, ils me brûlaient les doigts.Plus d'une fois, ils ont dégringolé ces putains d'escaliers abruptes qui me menaient au bout de la rue François Serrano, cette rue en impasse avec la menuiserie, le garage Galléa, et mon copain Muscat avec qui je jouais à la savate...

André TRIVES

Le : 29/10/2009 12:06

RUE CARDINAL VERDIER

Cette rue peu ordinaire prenait naissance dans le brouhaha du marché où chaque matin, la vie bouillonnait dans une marmite chauffée par le soleil. Les rencontres interminables des ménagères qui reprenaient les conversations de la veille, les cris des marchands qui ventaient leurs produits, l'odeur du pain chaud et des croissants au sortir des fournils, les visages pleins d'espiègleries des petits cireurs et les couleurs lumineuses répandues jusqu'au ciel: tout semblait créer pour exalter l'amitié, le bonheur et la joie. Après ce bain de jouvence, elle remontait légèrement à partir de la rue des Moulins et, en passant, elle tendait une oreille attentive aux sons mélodieux des mandolines, grattées par la virtuosité des "Routiniers" en répétition. Elle coupait la rue Jean Jaurès où, à l'angle, parvenaient les cris joyeux des enfants en récréation dans la cour de l'école Lelièvre. Entre la rue de Normandie et la rue du Dauphiné, l'atmosphère se chargeait d'une odeur d'eau de Cologne en provenance de la fabrique de parfums Zaoui et créait une ambiance de fête; les passants ralentissaient le pas et respiraient à pleins poumons les senteurs du dimanche matin. Puis elle traversait le boulevard de Champagne où, dans le tournant, le trolleybus avait l'habitude de perdre ses perches dans une gerbe d'étincelles féériques. Elle poursuivait son itinéraire en longeant la cité la cité Picardie, dressée comme une tribune offerte au spectacle avec ses balcons arborés où les soirs d'été, ses habitants réunis sur les bancs de pierre prenaient le frais et regardaient inlassablement le va et vient de la jeunesse qui "traînait la savate" à la lumière des lampadaires. Souvent, le dimanche matin, une clameur parvenait du stade de volley où Georgeot, Tintin, Baptiste, Didine, Raymond et les autres, venaient d'accomplir un exploit sportif sous le regard des parents amassés aux fenêtres. Un peu plus loin, au passage, elle laissait sur la gauche, les lacets tortueux qui menaient à Notre Dame d'Afrique. Enfin, elle retrouvait calme et sérénité à l'approche de la marbrerie Maccotta et de l'hôpital Barbier Hugo, pour finir devant la petite porte du cimetière de Saint-Eugène. Ainsi, le parcours dela rue Cardinal Verdier symbolisait discrètement le chemin de la vie qui, tôt ou tard, nous conduisait à la mort. Les gens de Bab el Oued en savait quelque chose...

Depuis des générations, chaque année, en cette dernière semaine d'octobre, un rituel immuable se déroulait entre le boulevard de Champagne et le cimetière qui avait été créé en 1880. Une foule immense empruntait à pied et en famille ce trajet afin de rendre hommage à leurs défunts. Durant deux semaines, les trottoirs regorgeaient de fleuristes occasionnels et la rue se colorait de magnifiques arcs-en ciel de chrysanthèmes. Jeunes et vieux, recueillis comme il se doit, remplissaient un devoir générationnel transmis par les us et coutumes hérités de leurs ancêtres: rénover l'encadrement des tombes en fer forgé, nettoyer la pierre des monuments, redorer les inscriptions gravées dans le marbre, désherber les alentours, fleurir sans compter vases et jardinières. Le travail était ardu, c'est pour cela qu'il était entrepris dès la mi-octobre. Pour rien au monde, les descendants de cette tradition séculaire auraient failli à la mission de relier le présent au passé. Durant cette période du souvenir, où la ferveur remettait en lumière au près des jeunes la mémoire de ceux qu'ils n'avaient pas connus, il ne serait venu à l'idée de personne d'avoir un souci autre que celui d'aller accomplir ses devoirs et d'aller se recueillir sur la tombe familiale. Les Juifs et les Chrétiens se rendaient au cimetière de St Eugène, tandis que les Musulmans grimpaient au cimetière d'El Khettar. Les choses avaient été bien pensées: il n'y avait aucune différence, tous avaient la vue sur la mer.

Il y a 48 ans, jour pour jour, en cette fin d'octobre 1961, le peuple de Bab el Oued ignorait qu'il rendait hommage à ses morts pour la dernière fois. Comment pouvait-il imaginer qu'un destin aussi injuste allait mettre fin à une obligation ancestrale et le contraindre à l'abandon de la transmission de ses racines? Aujourd'hui, le cimetière de StEugène relativement entretenu par l'orage tombé dans la nuit, angoisse le retour du visiteur. Des visages pétrifiés dans la porcelaine sur les livres de marbre nous épient dans le silence des allées désertes; les herbes hautes, les monuments penchés, la rouille épaisse des fers forgés, témoignent que les choses ne sont plus comme avant. Seuls les gazouillements des moineaux dans les cyprès ravivent la nostalgie du passé. Pourtant, les décors sont toujours à leur place:

"la ville est belle vue de la mer, comme la mer vue de la ville".

Depuis 1962, dans le monde où l'on nous a obligés de vivre, y a-t-il un enfant de Bab el Oued qui ait trouvé dans la docte société métropolitaine, ou dans la savante littérature qui s'entasse sous la poussière des bibliothèques, un Directeur de Conscience ou un Maître à Penser? Moi, jamais! Tous ceux qui ont construit les valeurs auxquelles je crois, les exemples auxquels je me réfère, demeurent toujours au cimetière de Saint-Eugène

André TRIVES

Le : 03/10/2009 12:59

La porte de la rivière ouverte de nouveau.

Vendredi 2 Octobre 2009, il est 13 H précises (heure locale), l'avion lancé en bout de piste se cabre et décolle de notre rêve qui était devenu réalité depuis 2 jours, 2 petits jours qui nous ont semblé des semaines tellement les émotions ont été aussi intenses. La première des émotions a été strictement humaine: des Algériens, des enfants de Bab el Oued, sont accourus pour nous accueillir et soutenir fraternellement notre rencontre; il y avait Zakia, Didine, Rachid et Nourredine notre accompagnateur, un blidéen n'ayant pas connu les pieds-noirs, mais qui a su nous redonner de la fierté:" Ici vous êtes chez vous" " Vous êtes des français avec un grand A ". Les rencontres sur les trottoirs où les gens qui passent s'arrêtent pour vous parler; ils sont heureux de savoir que nous sommes du pays. Les vieux qui avoisinent nos âges ne tarissent pas d'éloges sur la jeunesse vécue en notre compagnie:" Avant c'était le bon temps, la bonne vie...". Un Algérien nostalgique nous a cisaillé avec ces mots:" Moi, je ne suis pas Arabe, je suis Pieds-Noir." Les jeunes nous indiquent que leurs parents ont toujours dit du bien de leurs voisins français. Puis, les retrouvailles du quartier ont été empruntes d'une grande nostalgie: impossible de regarder le présent sans y revoir notre passé. 47 ans ont marqué nos différences et transformé notre époque. Je suis arrivé troublé dans la rue et devant l'endroit où je suis né. Mon père, maçon de métier, avait en 1949, modernisé le magasin de vins et liqueurs au 4 de la rue des Moulins. La devanture avait été refaite dans un graniteau couleur rougeâtre, et pour que le grain soit joli, il était indispensable de frotter le mur avec de l'eau et une pierre ponce. J'avais, avec toute l'ardeur d'un enfant de 8 ans participé à reluire la pierre... Aujourd'hui, j'ai eu l'impression de caresser les mains de mon père en passant tendrement la mienne sur le graniteau sâle et vieilli qui encadre toujours l'entrée du magasin dont le rideau est baissé, probablement pour limiter mon émotion.

Toutes les mètres carrés des rues et des trottoirs qui mènent au marché sont occupés par les étals des vendeurs du tout et de n'importe quoi. La foule dense va et vient; elle semble errer à la recherche de quelque chose qu'elle ne trouve pas. Où est passée ma rue des Moulins, la rue du Roussillon? Aujourd'hui il serait impossible de faire une partie de pelotte car la rue totalement encombrée, regorge de trous et d'ornières et ne permettrait pas de dessiner au sol une marelle. Comment ferions nous pour disputer une partie de noyaux ou une partie de tchappes ? Disparue la course des yaouleds derrière un cerceau, terminée la volée de guitane pour faire tourner le gangui acéré de la toupie. Mon petit Bab el Oued est différent. C'est Didine, voyant mon désarroi, qui me souffla le mot juste: " c'est devenu le marché de Kandaar au Pakistan". Quelques havres de paix subsistent au milieu de ce tohu-bohu gigantesque: la cour de l'école de la rue Léon Roches où je perçois le chant d'une classe qui répète une table de multiplication, la cour de l'école maternelle de la rue Normandie, zébrée d'ombre et de lumière, sous les feuillages d'un tilleul, des jeunes enfants sautillants de joie sous le jeu de la maîtresse que nous venons d'interrompre. Les saluts des enfants en tabliers roses surpris de nous voir s'intéresser à eux. C'est dans ce calme que je me revois enfant dans ces lieux et plutard instituteur au service de mon quartier... C'était il y a 47 ans.

Un moment fort: la rencontre avec l'épouse de l'ami MOMO, trop vite ravi à l'affection des siens.

Une dernière chose marquante: j'avais oublié la chaleur moite de notre Alger; c'est pénible de transpirer du matin au soir.

Margré les tâches éparpillées aujourd'hui sur le tableau de mon Bab el Oued, il n'en demeure pas moins que les attaches qui me lient à cette ville sont indéfectibles. J'ai eu mal, mais c'était bien ici que mes racines ont construit l'homme que je suis devenu.

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