Christian TIMONER, Né à Bab El Oued en 1948 - Alger
NE A BAB EL OUED
CHRISTIAN TIMONER
Eh bien oui, je suis moi aussi de Bâb El Oued pour y être né en 1948 à la clinique Durando, tout près des Trois horloges, face au commissariat, en plein coeur de Bâb El Oued. Mon père joseph jean dit zézé est né en 1922 au n°41 rue Pierre Leroux (côte de la Bassetta), mon grand-père Thomas y était lui aussi né en 1898 rue de la Vigie.
A l'époque mes parents, mon frère, ma
soeur et moi habitions un très beau petit village Cap Matifou à
une vingtaine de kilomètres d'Alger. Monsieur Hamis nous louait
une maison avec un jardin, collée au coiffeur, à l'entrée
du village en venant d'Alger. Puis ma petite soeur est venue agrandir
la famille. Avec la famille Arlandis, Alain et Marie France et nos mères
nous faisions des promenades à la forêt des chiens, on ramassait
des mûres et des feuilles qu'on donnait à manger aux vers
à soie que nous avions dans des boites à chaussures. C'était
à qui aurait le plus beau cocon. On allait aussi marcher de l'autre
côté du village, derrière l'église pour aller
au Marabout et jusqu'à l'école de l'air, tout
en chantant : un kilomètre à pied ça use, ça use,
un kilomètre à pied ça use nos souliers, deux kilomètres
à pied...
On fabriquait aussi des cerfs volants avec des roseaux et on allait à
la plage à Alger plage. Sans oublier toutes les bêtises que nous
faisions...
Nous avions d'autres amis et voisins comme les Salin dont le père
était pilote d'hélicoptère, ils avaient plusieurs
enfants dont un s'appelait Alain. Il y avait aussi les Salor...
(voir photos d'école de mon frère et de ma soeur,
de moi je n'en ai pas de la maternelle 1953-1954 et photos diverses).
Mon père travaillant à la Grande Poste d'Alger (aux PTT, il s'occupait de l'éclairage et entre autre des illuminations de Noël, de l'installation du stand PTT de la foire d'Alger et d'Oran, ainsi que du magasin PTT rue Alfred Leluch) pour se rapprocher, nous avons déménagés en 1954 avec un pincement au coeur de devoir quitter nos amis.
Nous sommes allés habiter à Bab El Oued, au n°3 rue Massenet,
à la hauteur du 80 avenue de la Bouzareah où habitaient mes
grands-parents face aux escaliers de la rue Georges Feydeau où tous
les collègues et moi-même avons usé nos cuissettes en
glissant sur la rampe. En haut, à droite vivait la famille Dechouk,
c'était une famille nombreuse, deux grands garçons, une
fille et de mon âge il y avait Farid, Badradin et Fouad, et deux
autres petits frères qui traînaient toujours entre nos jambes.
A gauche il y avait le collègue Jean Paul Nahon dont la mère
était sage-femme. Face aux escaliers, en montant la côte, côté gauche, à
l'angle de la rue Massenet et Feydeau, il y avait une villa où
habitaient, Gérard Sebag et sa soeur Nelly, ainsi qu'une soeur
aînée (voir photos diverses).
De l'autre côté au n°2 de la rue Massenet, faisant
l'angle avec l'avenue de la Bouzareah, habitait Jojo dont le père
était boucher, leur maison avait un jardin où nous jouions, au dessus de l'ancien atelier (dépôt) de
M. Durin, situé au 101 avenue de la Bouzareah et dont le fils Robert
était mon collègue.
A l'autre angle de la rue, il y avait son atelier, au 103 de l'avenue
de la Bouzareah, où il fabriquait les oeufs de Pâques en
sucre et en chocolat, les Pralines et il n'y en avait pas de MEILLEURES...
En montant l'avenue de la Bouzareah, il y avait les escaliers de la
rue Bizet, puis l'usine à chaussures, la pharmacie et faisant
l' angle avec le bas de l'entrée de la Montagnette, l'épicerie
de Madame Joseph. Qui n'y a pas acheté quelques sous de bonbons?
Nous habitions au n°3, un tout petit appartement dont la propriétaire était
Mme Pappalardo qui avait une fille Clairette Boccanfuso.
Il y avait également d'autres
familles, comme les Baldacchino avec Marlène, Sylvia, Katia, Monique et
leur frère Alain, sans oublier le berger allemand Black,les Khélif
avec Bachir et ses deux soeurs, les Vasile avec Laurent et Jean-François,
les Salva avec Jean-Charles et Claude, et aussi les Micalleff, Paous, Pons...
D'autres collègues Pappas, Difusco de la rue Nelson Chierico,
Giner de la rue Bizet, et Dominique Domingo 84-86 avenue de la Bouzareah,
et d'autres, dont le nom m'échappe, venaient aussi jouer
avec nous.
A l'époque, les filles jouaient à la marelle en forme
de croix ou d'escargot, avec une boite à chiquer gris-allu et
elles sautaient à la corde, et sans oublier la grande mode du houla-hop.
Les garçons eux jouaient au foot, à la toupie, aux billes, aux
osselets, aux tchic-tchic, aux noyaux d'abricot, aux tchapp's
(on achetait des chewing-gum plats où il y avait des images de toute
sorte et les plus intéressantes étaient celles des artistes
femmes comme Gina Lollobrigida, Brigitte Bardot, Sophia Loren...)
On jouait aussi à la savate, il s'agissait d'aller chercher
une feuille de figuier de Barbarie, on enlevait les épines, et il fallait
une boite d'allumette, une allumette et une savate. Le but était
de jouer à plusieurs et le perdant devait arracher avec les dents,
l'allumette que nous avions plantée, sur le champ de la feuille,
à coup de savate. Je vous laisse deviner, le goût et les grimaces
du perdant !
On jouait aussi à mistigris, pauvre main du perdant avec le carreau,
le trèfle et le pique, il n'arrivait pas à se consoler
avec la caresse du coeur.
Nous allions chercher des roulements aux garages Peyre et Denis pour faire
la plus belle carriole et il fallait entendre le bruit au moment de la sieste,
en pleine chaleur.
Au bout de la rue Georges Feydeau, il y avait le haut de la Montagnette où
on se retrouvait tous là pour jouer depuis des générations.
Beaucoup jouait au foot, sans oublier les batailles à coup de pierres.
Certains, comme mon frère, jouaient à la Pétanque rue
Muller devant la menuiserie Tamburini, dont un des fils faisait partie de mes
collègues. Sur ce terrain très argileux, il y avait une source
où on ramassait des têtards et les plus grands faisaient fumer les crapauds
jusqu'à leur explosion. On
traversait le boulevard de Champagne (où Badradin s'était
fait renverser) pour aller à la carrière Jaubert où il
y avait le four à chaux, et où les familles se promenaient le
dimanche. On allait là-bas chercher des bois en forme de Y pour faire
des TAWETS, et les plus beaux roseaux pour fabriquer les cerfs-volants qu'on
y faisait voler car c'était le meilleur endroit, et d'autres
roseaux pour faire des CANOUTS. On allait se ravitailler en minutions, chez
le Mozabite avenue de la Bouzareah où des sacs de couleur verte remplis
de riz, poids-chiche, lentilles...étaient devant le magasin. Tout
en courant, on prenait une poignée de riz et il nous criait tout ce
qu'il savait car on n'était pas les seuls à s'approvisionner
chez lui, quel plaisir de rentrer dans ce magasin où on pouvait sentir
toutes les odeurs d'épices.
A la carrière, il y avait des compétitions de moto-cross, nous
y allions à pied et nous en revenions avec chacun notre moto (un morceau
de bois, si possible rond et au milieu un morceau de carton carré avec
le numéro) en faisant la course jusqu'à la maison
et l'un d'entre nous criait : le dernier arrivé est un
c.. C'était aussi la grande mode des Puch, des Rumi et des Vespa
avec les frères Barnabeu.
Une fois par mois, en général le jeudi, nous allions chez le
coiffeur. A la sortie, dès qu'on rencontrait un collègue,
il fallait qu'il nous fasse la coupe, c'est à dire une claque
plus ou moins forte sur la nuque. Pour le baptême des nouvelles chaussures,
il fallait que les collègues marchent sur une chaussure, et des fois
cela finissait à la castagne.
Dans le quartier, près de l'école rue Camille Douls, il y avait un petit
cinéma Le Rialto où on allait voir
les films cow-boys.
Pour les fêtes, nos mères et nos grands-mères préparaient
des gâteaux (montécao, rouillettes, mounas...) sur des plaques,
souvent prêtées par le boulanger. C'était folklorique,
car la plupart des familles n'ayant pas de four, à toute heure
de la journée, on pouvait voir ces femmes défiler chez les boulangers
(Lopez, Clapez...) pour déposer leurs plaques et aller les rechercher,
c'était à qui aurait les plus beaux gâteaux. Et
c'était pareil pour les Algériens en période de
carême (makrouts, cornes de gazelle, sablés...). On ne peut
pas parler des bons gâteaux sans parler des bons beignets et des bons
zlabias de BLANCHETTE.
Pour le 14 Juillet, les enfants se rassemblaient par rue et fabriquaient les
plus belles guirlandes avec des papiers de couleur récupérés
dans chaque maison et nous faisions la colle avec de la farine empruntée
à nos mères. Enfin, nous passions à la phase finale,
à l'aide de ficelle, nous installions nos guirlandes d'un
balcon à l'autre, tous très fiers de notre oeuvre.
La concurrence était rude, surtout avec la rue Curie. Dans certaines
rues, le soir, il y avait des orchestres où les adultes allaient danser.
Et tout près de là, qui n'a pas connu ou eu peur de la
maison fantôme.
Chaque été, on avait droit aux faiseurs de pluie. C'était
un groupe de musiciens (instruments : tambour de peaux de chèvre, trompette,
flûte à anche en roseau, darbuqqa, crotales ou castagnettes en
fer...) qui jouaient pour faire tomber la pluie. Mais cela ne marchait
pas à tous les coups. Une année, on a eu droit à une
pluie de sauterelles, et les grands, pour nous faire marcher, nous disaient
qu'en déployant leurs ailes, on pouvait voir des numéros,
mais le comble c'est qu'en cherchant bien on arrivait à
en trouver.
Tous les ans on voyait aussi passer un accordéoniste, à qui
on jetait des pièces et qui vendait des partitions. Il y avait le vendeur
de crème fromage et bien d'autres aussi, mais celui que nous
préférions c'était le vendeur de KILOMETRE.
Les catholiques, comme moi, allions au catéchisme le jeudi, et le dimanche
à la messe à l'église Saint Louis, qui faisait
l'angle de la rue Léon Roches et de la rue Dupleix et nous en
profitions pour jouer au square Saint Louis.
Il ne faut pas oublier que nous allions aussi à l'école,
une bonne partie de notre temps. Les filles allaient à l'école
Normandie. Les garçons, nous étions divisés en deux,
une partie allait à l'école Lelièvre, et les autres
comme moi, allions à l'ancienne école rue Léon
Roches faisant angle avec la rue Maxime Noirè, puis à la nouvelle
école, un peu plus haut rue Taine où étaient regroupées
l'école des garçons et l'école des filles
dont la mère de notre collègue Ali, était la concierge.
En 1958, nous quittons la rue MASSENET pour aller habiter les HLM flambants
neufs, de la cité des EUCALYPTUS, sur les hauteurs de
Bab El Oued. J'habitais le bâtiment 3, au 7ème étage,
face à Notre Dame d'Afrique, à droite la mer avec le stade
Marcel CERDAN et à gauche la carrière JAUBERT. Le bâtiment
situé le plus haut, était le bâtiment 1, face à
la gendarmerie où une fois par semaine s'installait le marché
BABEJDID. Tous les jours, on voyait aussi les bourricots chargés de
paniers vides qui montaient, en file indienne, le chemin d'El-Kettar
qui longeait le cimetière, puis ils empruntaient la rue du Docteur
Bentami pour atteindre la Casbah. Après avoir été chargés
d'ordures, ils redescendaient pour aller vider le contenu de leurs paniers.
A côté le bâtiment 2, dont les entrées étaient
face au cimetière musulman d'El-Kettar, derrière ce bâtiment
il y avait un terrain vague en tuf où on jouait au foot, et à
la pétanque. Mon frère s'en donnait à coeur
joie, d'ailleurs il est devenu champion d'Alger de pétanque
en triplette, puis vice champion de France à Clermont-Ferrand avec
la même triplette STARCK et MASCARRO du club OHD, ils sont devenus champions
d'ALGERIE et d'AFRIQUE du NORD à Oran. En 1961, j'ai
fait équipe avec mon frère au championnat d'Alger où
nous avons perdu en quart de finale. Beaucoup plus tard, il est finaliste
de la MARSEILLAISE avec une autre équipe ALBERINI et RIVOIRA avec le
club de l'ASPTT Marseille.
En dessous, le bâtiment 8, dernier à avoir été
construit, était une tour située face à la prison Barberousse
et à côté de l'école Aurélie Tidjani.
En contrebas, le bâtiment 3, puis il y avait trois grands immeubles
identiques, les bâtiments 4, 5 et 6 qui partaient du terrain vague qui
était en fait l'entrée de la citée. Sur ce terrain
où nous faisions des petits tournois de foot, se trouvait une chapelle
en bois qui avait été construite après notre arrivée,
on pouvait traverser ces grands immeubles en empruntant un long couloir. Pour
aller au centre de Bab El Oued, on pouvait prendre l'ascenseur payant
qui arrivait dans la rue Mizon. En voiture, il fallait prendre la Rampe Valée,
où se trouvait, dans l'angle des deux rues, le bâtiment
7.
Le bâtiment 3 était dans une impasse entourée d'eucalyptus, dont la
route n'était pas goudronnée, et où nous jouions
au foot, aux billes, aux noyaux, aux tchapp's, aux capsules de bouteilles,
et qui n'a pas joué aux cartes dans les cages d'escaliers
? Moi, je préférais courir que jouer au foot, et j'avais
un collègue du bâtiment 4 qui aimait comme moi la course à pieds, dont le
nom de famille est ROGE Jean-Louis, sa soeur aînée s'appelle Danielle et ses deux frères Jean-François et Jean-Jacques. Je croyais devenir
champion comme Michel JAZY, que je regardais le soir en nocturne, pendant
le couvre-feu, malheureusement ce ne fut pas le cas, j'ai continué
à courir mais en simple amateur. Quant aux filles, elles
jouaient toujours à la corde, à la marelle...
Avec DEDE, JEAN-PIERRE, MICHEL, JEAN, DANY, JOJO et d'autres , nous
nous cotisions et nous allions chez l'épicier, en dessous du
bâtiment 8 pour acheter un pain, des olives vertes et une gazouse, surtout
du SELECTO que nous partagions.
On commençait aussi à regarder les filles d'un autre oeil, surtout que leur école était juste à côté. Les filles allaient à l'école Aurélie Tidjani quant à nous les garçons, nous allions à deux écoles différentes, un petit groupe à la Rampe VALEE, et les autres comme moi, à l'école boulevard de la Victoire, située entre la prison Barberousse, la gendarmerie, les hauteurs de la Casbah, le fort l'EMPEREUR et l'église SAINTE CROIX où nous jouions avec les fils de gendarmes et de militaires. Et certains, comme moi, y ont fait leur communion en 1959.
Avec mes parents, nous partions chaque été
en vacances chez mes grands-parents maternels près d'Oran à
Sidi Bel Abbes, quartier du Mamelon.
Si du côté paternel le sport favori était la pétanque
avec mes oncles Georges et Jean, du côté maternel c'était
le vélo et les courses cyclistes. Trois de mes oncles faisaient du
vélo, HARO René, Lucien et surtout Marcel qui tenait aussi un
magasin atelier de cycles (HARO) route de Mascara.
D'un côté de l'atelier, il y avait le forgeron, et
de l'autre côté habitait la famille Torez, qui derrière
dans la cour possédait des écuries avec beaucoup de chevaux.
Avec mon frère, c'était notre endroit préféré,
car là on pouvait se défouler et faire les pires bêtises,
surtout que nous n'étions pas seuls. Avec le fils du forgeron
et Antonio Torez nous faisions beaucoup de vélo et notre jeu favori
était d'attraper les moineaux au tire boulettes, avec des pièges
ou à la glue que nous fabriquions avec toutes les chaussures à
semelle en crêpe que nous trouvions. Nous avions aussi d'autres
collègues, comme la famille Anton, Marie-Rose Navaro et Isidore Velez d'Oran...
Mais les vacances passaient trop vite, et nous quittions les collègues avec tristesse, mais heureux
de retrouver ceux du quartier.
Malgré les évènements, nous nous entendions tous bien dans le quartier, comme à l'école, toutes origines confondues. Nous n'aurions jamais pensé nous quitter sans même se dire un au revoir. Mais pourquoi pas, peut-être, se revoir un jour ?
En 1979, le manque de l'ALGERIE était si fort que j'ai
souhaité y retourner. Ma femme étant une pathos elle ne connaissait
pas ce pays, mais elle fut enchantée en découvrant tous ces
paysages et bien sûr les lieux où j'avais vécu.
Mais la nostalgie étant toujours plus forte, je fis des recherches
sur mes derniers collègues d'ALGERIE des EUCALYPTUS et nous
nous sommes retrouvés aux Pennes Mirabeau dans les Bouches du Rhône
en
1990 et 1992 pour fêter nos retrouvailles.
Je vous ai raconté un peu de ma jeunesse et que ceux qui se reconnaissent se manifestent, cela me ferait plaisir. Aujourd'hui, grâce à Internet, aux photos d'école, et aux messages, j'espère retrouver ceux qui ont fait cette histoire car se rappeler de tous les noms est difficile.